On aura beau dire que le truc est lassant et vieilli, le recours d’une nouvelliste à une chute imprévisible et pourtant ourdie devant nos yeux garde son efficacité. La technique établit entre l’auteure et le lecteur une sorte de duel : l’un s’efforçant de surprendre, l’autre veillant à ne pas être pris de court, l’un traquant les indices, l’autre les dissimulant sans pourtant les faire disparaître. Dans le cas de Sarah Cohen-Scali, le duel se résout le plus souvent sur la nette et désarmante victoire de l’auteure.
Il faut dire que Sarah Cohen-Scali ne lésine pas sur les moyens. S’il faut du sang pour que s’exerce la vengeance, le sang coulera. S’il faut assener des propos racistes pour que monte la pression, les pires injures y passeront. La montée vers la tension s’effectuera ainsi en peu de pages et cela vaut d’ailleurs mieux : densité plutôt que dilution, chute en coup de poing plutôt qu’atterrissage en douceur.
Certaines des nouvelles de Sarah Cohen-Scali empruntent leur décor au monde de la justice et permettent au génial enquêteur d’épingler le criminel trop sûr de son impunité. Nul ne s’en étonnera, car la nouvelle et l’enquête policière aiment, l’une comme l’autre, les suspenses qui se résolvent de façon inattendue et, disons, morale. Dans d’autres cas, cependant, la nouvelle de Sarah Cohen-Scali s’en permet davantage : quand, en effet, le crime est parfaitement justifié et que la victime n’aurait jamais dû demeurer en vie aussi longtemps qu’elle l’a fait, pourquoi l’auteure de la nouvelle insisterait-elle pour dire comment le tueur a été pris ou même pour nous assurer qu’on l’a coincé ? En distinguant ainsi la morale légale de la vraie, Sarah Cohen-Scali se donne du champ. Nous en profitons.