Le bilan de la participation canadienne à la guerre en Afghanistan est peu reluisant : plus de 150 militaires tués et un millier de blessés, parfois très gravement. D’autres sont victimes du syndrome de stress post-traumatique, « cette mort psychologique », et vont parfois jusqu’à s’enlever la vie. De plus, vingt milliards de dollars ont été engloutis dans l’aventure, pas toujours de la façon la plus productive
Fabrice de Pierrebourg est auteur et journaliste d’enquête à La Presse. Il a partagé à deux reprises le quotidien des soldats canadiens déployés en Afghanistan. Cela fait de lui un témoin privilégié des conditions dans lesquelles nos militaires doivent combattre. Il a pu recueillir leurs états d’âme sur le terrain, jusque dans les bases opérationnelles avancées (BOA) où il s’est rendu, à ses risques et périls. Car ce sont les soldats affectés à ces bases qui sont les plus exposés aux attaques des talibans. Ils y sont parfois assaillis, mais le plus souvent, ils sont victimes des engins explosifs dissimulés le long du trajet entre ces camps et la base principale de la coalition établie autour de l’aérodrome de Kandahar et connue sous l’acronyme KAF (Kandahar Air Field). À cause de l’écart entre les risques courus, les soldats des BOA manifestent une certaine rancœur à l’endroit de leurs collègues de la KAF, qu’ils appellent les « Kafards ». Il est vrai que le risque principal qui menace ces derniers sont les tirs de roquettes des talibans, qui manquent de précision et font rarement des victimes. Pourtant, tous s’entendent pour se sentir isolés, oubliés, sacrifiés. Devant les exemples de gaspillage et de gestion déficiente, on ne peut que leur donner raison. Le cas des redoutables chars Leopard 2 croupissant pendant des mois dans un entrepôt de Montréal alors qu’ils auraient été si utiles sur le terrain en est une illustration éloquente.
Par ailleurs, le peu de progrès réalisé en ce qui concerne les droits des femmes, l’accès des fillettes à l’école et le contrôle des talibans sur bien des aspects de la vie des Afghans concourt à répandre le pessimisme et le cynisme au sein des troupes canadiennes. Le retrait total, en 2011, ne déplaira sans doute pas à la majorité d’entre eux.