Littérature pour enfants ou pour adultes ? Hubert Mingarelli se défend bien, dit-on, de faire la différence entre ses deux publics. D’une écriture simple et efficace, il donne une voix aux petits, aux paumés, à ceux qui vivent loin des milieux cossus. Marcher sur la rivière parle d’enfants, oui, et d’adultes, d’une relation père-fils ; d’un voyage qui tarde à se faire, d’un départ sans cesse remis. En autobus. Quelque part en Afrique du Sud.
Marcher sur la rivière est une fable dans laquelle la nature tient une place importante, le soleil, bien sûr, et puis la pluie, la chasse dans les collines, les collets pour attraper les lapins. « Je voyais des pierres et de la poussière jaune, beaucoup de pierres, et des arbustes morts et desséchés par le vent et le soleil », décrit le narrateur, Absalon.
Longue est la route et tarie la rivière dans laquelle l’adolescent s’engage pour couper court, si tant est qu’elle ait jamais existé. « Soit ceux qui étaient morts maintenant nous avaient menti, soit la rivière n’avait rien laissé derrière elle. »
Et puis il y a les femmes d’Absalon. Il y a la relation en dents de scie avec Rosanna, sa petite amie qu’il juge plutôt mal mais qu’il aime bien. Rosanna ne croit guère au départ d’Absalon. « Ne me raconte pas d’histoires, je savais que tu ne partirais pas. » Elle travaille à la salle de billard et passe son temps « à servir des bières et à se faire peloter ». Sa mère morte, Absalon est en adoration devant la femme du pasteur qu’il vénère comme une sainte. « Elle a posé sa main sur mes cheveux avec une délicatesse que je ne peux pas dire. »
Malgré les difficultés, la culpabilité, le découragement, les hésitations, malgré la patte folle – le genou qui ne plie pas et qui lui donne une allure de demeuré, croit-il – et les pleurs aussi – « mon Dieu, comment peut-on pleurer ainsi ? » -, malgré tout, Absalon part. Il trouve du travail et réussit à défrayer le coût de son billet de bus.
On ne sait ni où ni quand s’effectue le voyage mais il a bien lieu car « aujourd’hui j’habite un pays différent », dit-il. Mission accomplie pour Absalon. « Quand j’aurai mon âme en paix et tout, je regarderai pas souvent en arrière. »
Ce roman est le quatorzième de l’écrivain français Hubert Mingarelli, Prix Médicis 2003.