Contre la barbarie, terriens de toutes les différences, unissez-vous ! C’est par cet appel percutant que se termine cet ambitieux Manifeste pour l’humanité, adresse radicale aux intellectuels qui nous presse de prendre parti pour une opposition irréductible à la « mondialisation de l’hypercapitalisme ». En marge des états d’âme de la philo-pop, cet ouvrage est un véritable pavé dans la mare qui surprend agréablement par son ton incisif et la démarcation idéologique qu’il opère clairement vis-à-vis du discours néolibéral.
Plus de 150 ans après le célèbre Manifeste communiste, les auteurs font un plaidoyer philosophique qui renoue avec la tradition politique du marxisme humaniste. Constitution et liberté du sujet, conscience et action politique façonnent la catégorie du possible qui imprègne tout le développement de ce manifeste et vient fonder le sens du combat contre la « marchandisation totalitaire » et son corollaire, la « déshumanisation » de nos sociétés. Les onze thèses sur « la condition humaine et la praxis transformationnelle » qui résument leur perspective acquièrent ici une signification évidente. Elles renvoient aux fameuses Thèses sur Feuerbach, texte rédigé par Karl Marx en 1845, qui tentait de définir le nouvel objet de la philosophie en unifiant analyse de la société humaine et capacité de l’homme à la transformer.
Mais pourquoi donc vouloir réintroduire le sujet au centre de la transformation politique de nos sociétés ? Parce que le néolibéralisme s’appuie sur un « consensus fabriqué » qui nie la possibilité de tout horizon politique au-delà de la « règle mondiale du commerce infini ». On comprendra ainsi la signification des dimensions mystificatrice, répressive et culpabilisatrice du discours néolibéral. Devant ce fatalisme, les auteurs insistent sur la possibilité puis la nécessité d’un projet politique émancipateur autour de trois idées : l’affirmation d’un nouveau sujet historique global, l’humanité ; l’hypercapitalisme qui place l’épanouissement du sujet en position irréconciliable avec son expansion ; la tâche socio-historique de l’humanité qui est donc d’opposer un « excès politique » à cette contrainte économique sur la base d’une rupture révolutionnaire.
En définitive, ce qui est incontournable pour les auteurs, ce n’est pas la croissance délirante du commerce dans tous les azimuts, mais le choix que fera l’humanité entre un abandon à la « déshumanisation » et la refonte de la « condition humaine partagée ». Voilà comment ils définissent l’option qui ne laisse place à aucun terme intermédiaire.