Toujours précis, documenté, nuancé, Antoine Yaccarini redonne vie au passé québécois sans complaisance ni hargne. Ce dont l’histoire donne l’assurance, il le tient pour advenu et le raconte avec fidélité ; les silences de la chronique, le romancier les occupe avec finesse et vraisemblance. Quand interviennent des personnalités aux profils connus, Yaccarini ne greffe donc sur leurs gestes historiquement établis que des interventions compatibles avec eux. Dès lors, Israël Tarte n’acquiert pas dans l’œuvre de Yaccarini l’auréole d’un candide catéchumène ; il fait montre de bonnes manières, mais exploite et même rentabilise en souriant les malentendus, les approximations et autres zones grises. Tarte, avec ses allégeances variables, ne serait pas Tarte sans la souplesse que lui ont toujours reconnue les historiens patentés et que Yaccarini montre en action. Félicité Angers, discrète et digne, toutes antennes déployées, ressemble en tous points à la Laure Conan qui a marqué la littérature québécoise. Quant aux mSurs qu’étalent ici élus et maquignons de toutes les farines, Yaccarini témoigne de leur stabilité : elles embaumaient (?) pendant la guerre des Boers (prononcez Bours, rappelle l’auteur) comme elles n’ont pas cessé de le faire. « Sensibiliser » un ministre n’était pas et n’est toujours pas une vertu, mais une occasion. À saisir.
Une fois qu’il a payé tribut aux faits, Yaccarini laisse libre cours à son imagination et accorde champ libre à ses créatures de fiction. De retour après Meurtre au soleil, son policier Francis Leahy se montre encore discret et efficace, conscient de son rang et sagement rebelle aux évidences hâtives. Sans héroïsme indu, il parcourra les mers aux frais de la princesse le temps qu’une commission d’enquête dépose l’oubli sur les magouilles de l’époque. Beaucoup de fluidité dans l’écriture, beaucoup de classe dans le maniement des relations humaines. Une fois le policier Leahy sur son paquebot au long cours, « Québec retrouve son allure tranquille de grande dame indolente0».