Premier roman d’une femme qu’une riche carrière théâtrale a fait apprécier. Présumons que la nervosité fut vive pendant la rédaction, tant les attentes du public croissent avec la fréquentation. Rassurons tout le monde : le bouquin se tient.
Le titre est un programme et un bilan : mademoiselle sera, version féminine et délibérée, la réincarnation du Jean-Jacques (J.-J.) qui l’a engendrée. Qu’une jeune fille de seize ans veuille quitter l’étouffant cadre maternel et joindre un père inconnu et idéalisé, cela se rencontre. Que le style du père exerce un attrait sans résistance possible, voilà qui, en l’occurrence, dispose à l’hédonisme et à ses alternances de découvertes et de déceptions. Le mimétisme déferle. J.-J. a beau ne penser qu’à lui et tenir sa fille à distance, celle-ci le reproduira jusqu’à l’autonomie totale et solitaire. Le thème éveille des échos.
Louise Turcot ose divers registres. Peut-être est-ce dans celui des délires amoureux qu’elle offre ses meilleures pages. Elle ose aussi de brusques changements de décor et d’époque,ce qui ne serait qu’un plaisir de plus si les virages de l’héroïne n’y ajoutaient pas leurs imprévisibles caprices. Quand, en effet, la jeune fille s’abandonne à ses humeurs changeantes, ce qui est son droit, on aimerait trouver, comme repère pour la lecture, une autre forme de continuité.
Détail agaçant : Blaise Cendrars fait surface quatre fois, jamais avec la bonne orthographe.