Djemila Benhabib est originaire de l’Algérie et son parcours est pour le moins singulier. Son père, Algérien, et sa mère, Chypriote grecque, se sont rencontrés à Kharkov, en Ukraine, où ils étudiaient au début des années 1970. À leur retour en Algérie, ils ont milité au sein du Parti de l’avant-garde socialiste, dont les membres étaient la cible autant du gouvernement que des islamistes fanatiques. Plusieurs ont été emprisonnés, torturés ou même assassinés. Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls à subir de la violence. Le pays était menacé par le Front islamique du salut (FIS), qui entendait instaurer une dictature politico-religieuse et faisait régner la terreur à cette fin. Les fanatiques du FIS s’en prenaient en particulier aux femmes auxquelles ils voulaient dicter les règles de conduite, tentant notamment de les obliger à porter le voile. Mais de nombreuses Algériennes avaient le courage de ne pas céder et certaines l’ont payé de leur vie.
En 1994, Djemila et sa famille ont dû se résoudre à quitter la patrie qu’ils aimaient tant. Ils se sont réfugiés en France, croyant échapper à la menace islamique. Mais Djemila n’a pas tardé à se rendre compte que, là aussi, des fanatiques faisaient tout pour dicter leurs règles autour d’eux, en particulier aux musulmans. En 1997, elle part à nouveau, cette fois-ci seule, et vient s’installer au Canada. Elle est agréablement surprise de l’accueil qu’elle reçoit mais, encore une fois, elle découvre une société faisant face aux manœuvres d’islamistes intégristes qui veulent à tout prix imposer leurs vues. Elle est indignée de constater qu’à cette fin, ils invoquent la liberté religieuse et les libertés individuelles, libertés qu’ils refusent aux autres quand ils ont le pouvoir de le faire. Elle décide alors qu’elle se battra contre cette menace qu’elle connaît bien. Même si elle sait à quoi elle s’expose. « La terreur islamiste, je l’ai subie. Il n’y a pas de mots pour la décrire », écrit-elle.
Son livre est un geste dans la lutte pour les valeurs démocratiques qu’elle a engagée. Il est aussi passionnant à lire qu’un bon roman, et offre une foule d’informations propres à éclairer les lectrices et lecteurs sur les véritables enjeux des revendications des intégristes islamiques.