À l’instar d’un Philippe Delerm qui, depuis le succès inattendu de La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, s’attarde sur les petits bonheurs, Marie Rouanet s’attache à raconter les odeurs et les couleurs des vies humaines. Avec Luxueuse austérité, elle plonge les lecteurs au cœur de ses souvenirs de longs séjours à la campagne.
Le titre de ce récit donne le ton : on se doute bien que la campagne française de Rouanet n’avait rien du village touristique et la maison, rien du condo tout équipé. Enfant, nouvelle mariée ou mère de famille, elle a fait ses beaux jours de cabanes au bord de la mer ou de fermettes toutes décaties au sommet d’une colline, qui suscitaient les exclamations des visiteurs ébahis de ne trouver ni eau courante, ni chauffage, ni cabinet de toilette à l’étage. Ce mode de vie austère et rigoureux était un pur luxe, selon Rouanet, plus près du sens réel de la vie humaine que ne pouvait l’être les longues périodes passées dans le confort de la ville. Dans une langue simple et belle, elle s’applique à le démontrer tout au long de son récit sans omettre le moindre sujet, même les plus triviaux : les besoins naturels quand on n’a pas de cabinet de toilette dans la maison et le nettoyage du pot de chambre quand on n’a pas l’eau courante.
Le récit de Marie Rouanet ne convaincra certainement pas les Occidentaux que nous sommes, amoureux de leur confort, de retourner à ces époques de luxueuse austérité. Il redonne toutefois ses lettres de noblesse à tous les petits gestes quotidiens, le plus souvent ardus et éreintants, répétés jour après jour, beau temps mauvais temps, par les générations qui nous ont précédés.