Les auteurs africains d’expression française se sont souvent faits les dénonciateurs de lendemains d’indépendance amers, de coups d’État et de révolutions qui ne tiennent pas leurs promesses, de répressions gouvernementales démesurées. Le dernier roman de Kossi Efoui nous met, lui aussi, au désespoir de voir mise en scène une Afrique de liberté et de vérité.
L’ombre des choses à venir est l’histoire de l’immobilisme historique et social, le conte d’un retour impitoyable des mêmes injustices, des mêmes lésions et des mêmes lésés sous des dehors de changement. Cette œuvre est néanmoins surtout consacrée au pouvoir et au mensonge du langage. On y lit la force des refrains incrustés dans la mémoire collective par un appareillage étatique qui trouve dans les mots sa force la plus sûre. On y lit la dénonciation des euphémismes généralisés qui font appeler une guerre « l’épreuve de la frontière », et des prisonniers politiques « les momentanément éloignés ». Dans ce roman, la parole révèle l’adhésion ou le rejet, le défi ou la soumission. Certains en sont privés, d’autres pensent l’écrire et ne semblent que faire des dessins insensés. D’autres encore, comme le narrateur, cherchent la vérité loin des mots, dans « la moitié du pli d’un visage fermé ».
L’auteur de ce roman à la fois magique et terrible aurait pu tomber dans l’écueil de la répétitive lamentation d’un continent qui n’en peut plus d’être trahi par ceux qui devaient être ses héros. On aurait pu n’avoir dans L’ombre des choses à venir qu’un autre de ces textes, malheureusement presque clichés, contant l’oppression, la misère, la douleur d’être né Africain. Nous sommes, au contraire, baignés dans de la littérature à son meilleur, enveloppés par une écriture poétique sans artifice ni folklore.