François Jullien, c’est l’ouverture sur le monde, lointain pour nous, de la pensée chinoise qui ne peut se comprendre autrement qu’à travers des œuvres dont les témoins séculaires sont le Tao te king de Laozi (selon l’orthographe de l’auteur) et Le classique du changement (Yi king).
Contrairement à la tradition occidentale qui s’inscrit toujours dans le cadre d’une théodicée dont la référence est la perfection d’un dieu, les Chinois ont pensé le monde comme un mécanisme de régulation auquel l’homme doit s’adapter et où les choses et les êtres ne sont jamais totalement ceci ou cela. Il n’y a point pour eux de fin suprême, comme il n’y a pas eu de création originelle. La position du sage, c’est la fadeur, entre les extrêmes du blanc et du noir. Les multiples possibilités se hiérarchisent et se répartissent comme les traits des hexagrammes du Yi king, reflets d’une réalité mouvante et insaisissable où le mal (ou le négatif) sert à faire ressortir l’harmonie de l’ensemble, comme dans un tableau. C’est une leçon de sagesse que nous sert François Jullien dans ce traité dont la lecture peut paraître parfois un peu ardue, mais qui nous ouvre une fenêtre sur une Chine qui ignore nos catégories et nos coupures radicales, pour privilégier la fluidité et la transformation progressive, avec le souci de faire jouer la corrélation des contraires, sans forcer, ni risquer de susciter des contre-effets. Cela peut s’entendre tant sur le plan du gouvernement que sur celui de la vie quotidienne.