Cette entrée en prose d’un vétéran parmi nos poètes ne devient un roman que très progressivement. On peut en effet lire tout L’oiselière, hormis la courte annexe finale, comme une série de lettres ou de fragments d’un journal intime, puisque cette écriture cathartique vient non pas raconter, mais combler de mots le fossé ouvert par la mort prématurée de l’être aimé. Il s’agit comme le dit l’auteur en préface d’« un livre sur l’amour, un roman-vérité inventé peut-être » où le statut ambigu des interlocuteurs joue un rôle d’amplification, toutes les femmes dont il est question étant liées, parfois jusqu’à se fondre, par un imaginaire aux prises avec le silence du monde.
D’une construction habile et soutenue par un talent sûr, cet ouvrage amène, entre le désespoir et l’érotisme qui s’y expriment, une interrogation sur la place du désir aujourd’hui, car tout comme chez Dostoïevski le salut du monde y est lié à la beauté. Postulat quasi inassumable dans la solitude par le personnage principal, qui n’est pas un transmetteur de lumière né comme l’était la disparue sans nom dont le souvenir le sauve de l’apathie sans toutefois accroître suffisamment sa force intérieure. La mystique amoureuse de cet écrivain déchu, de plus en plus tourné vers le fantôme de sa compagne à mesure que le livre suit son cours, supporte en effet mal le quotidien et se rapproche subtilement d’une mystique suicidaire.
On sent dans ces pages que le poème n’est pas loin, qu’il irrigue un récit où perce une voix vite familière éprise de lenteur et d’introspection. Beaucoup plus lyrique qu’autrefois, Jean Charlebois brosse à l’intention des années futures un puissant manichéisme entre amour et néant.
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L’OISELIÈRE
- L’Hexagone/Paroles d’Aube,
- 1998,
- Montréal
219 pages
19,95 $
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