Dampier Cay est une petite île des Caraïbes contre laquelle s’acharne Claire, un ouragan qui a déjoué la trajectoire que lui prédisaient les météorologues. Caldwell et Beverly, des chasseurs d’ouragans, comptent parmi les seuls à avoir prédit correctement le passage de Claire sur l’île. S’amorce alors une course contre la montre, à la rencontre des éléments et de la mort, avec des airs de fin du monde.
Dès les premières pages s’impose un narrateur très bavard qui ne cesse de titiller le lecteur sur les événements à venir. Cependant, ce qui donne au roman de Paul Quarrington sa singularité, ce sont les nombreuses anachronies qui ponctuent le récit. Le passé de Caldwell et de Bervely ressurgit régulièrement : des souvenirs parfois heureux, souvent tragiques, font irruption, des souvenirs qui font référence à une réalité que les deux personnages ont méticuleusement reconstruite pour apaiser leur mal-être. La vie de Caldwell est aussi vide qu’un œil d’ouragan, malgré les millions gagnés à la loterie. Beverly a difficilement survécu à son enfance trouble, et tente de faire le deuil de sa fille. En pleine tornade, les deux écorchés cherchent à noyer leur douleur par l’amour, en étant avec quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes.
Le roman comporte beaucoup de dialogues, et le rythme s’en trouve bonifié. À vrai dire, plus le récit évolue, plus le vent de l’ouragan effeuille rapidement les pages et met au jour les tragédies qui ont fait déraper non seulement Caldwell et Bervely, mais d’autres personnages qui ne sont pas sans intérêt. Le titre fait référence au seul moment de sérénité du roman, dans l’œil de l’ouragan, et donne lieu à des images surnaturelles. Le répit sera cependant de courte durée : la reconstruction des souvenirs ne suffisant pas à oublier le passé, Caldwell et Berverly s’inventent un hier où les phénomènes météorologiques sont responsables de tous leurs malheurs.
Claire n’épargne personne, sauf peut-être le lecteur : à la toute fin du roman, au lieu de s’éterniser sur le tragique des événements, le narrateur fait miroiter exotisme et fantasmagorie en ressuscitant une colonie d’hommes et de femmes qui n’avaient plus rien à perdre, et que l’ouragan a cru bon de réunir, en les débarrassant de ce qu’ils étaient.