Rongée par la solitude et prise du syndrome de Diogène, une vieille dame s’éteint au milieu d’un amoncellement d’objets qui encombrent son logement. Une femme de ménage livre ses états d’âme, rêve d’une histoire d’amour semblable à tant d’autres. Née dans un dépotoir, une fillette désire partir pour New York. De prime abord, le premier recueil d’Annie Perreault, lauréate du Prix de la nouvelle Radio-Canada en 2000, nous entraîne sur des territoires fort diversifiés. « La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas », rappelle d’ailleurs un personnage méditant une réplique d’un film de François Truffaut.
Et pourtant, les quelque 70 « morceaux », nouvelles et fragments, que présente L’occupation des jours montrent une cohésion très achevée. Le titre évoque bien sûr une réflexion sur le temps, mais le recueil structuré en dix parties affiche une composition établie sur la base d’autant de « terrains », espaces témoins du passage des années, de la vie qui s’effrite, implacablement orientée vers une fin. La poussière que fait sans cesse disparaître la ménagère, Sisyphe moderne, les ordures jonchant le sol sur lequel s’ébat une petite fille et l’accumulation compulsive de biens matériels prolongent symboliquement cette conscience aiguë de l’absurde existentiel. Tel est un des axes centraux qui lient ce carrousel d’histoires à première vue hétéroclites.
Solitude et sentiment de vacuité pèsent aussi sur les multiples personnages qui défilent au cours de cette triste procession, coincés entre le désir et l’incapacité de vivre à deux. Perreault se plaît en effet à rendre les malaises d’amours flétries et excelle à sonder les relations boiteuses. L’harmonie et le bonheur brillent par leur absence, mirages aussi illusoires que nécessaires qui semblent ne résider qu’en l’espoir de lendemains qui chantent. L’auteure brosse ainsi un portrait sombre de la condition humaine, montre que sous le vernis de la réussite se cachent les échecs les plus cuisants. Elle parvient avec brio à incarner des atmosphères chaque fois distinctes quoique semblablement étouffantes. L’approche intimiste, la psychologie des personnages – et ils sont nombreux – habilement définie, l’écriture minutieuse, soucieuse des menus détails, sont quelques qualités qui signent la réussite de ce recueil foisonnant que n’épuise évidemment pas une première lecture.
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