Elle fait parler d’elle, Christine Angot. Cet automne, elle publiait L’inceste , variation sur le thème qui hante et travaille son œuvre. Une œuvre fort dérangeante, en partie parce qu’elle tourne autour du Sujet Angot (titre du roman précédent). Les neuf livres que Christine Angot a publiés parlent exclusivement d’elle, de sa vie, de sa fille, des siens, des gens qu’elle croise. Côtoyer Christine Angot, c’est risquer une entrée involontaire en littérature. Avant de publier L’inceste , elle a consulté un avocat. Ainsi a-t-elle changé les noms, mais pas l’histoire. « Être incapable d’inventer n’est pas de l’impuissance, c’est un principe », précise-t-elle. Donnée essentielle pour saisir la démarche. On risque toutefois d’être saisi avant. Parce qu’elle est saisissante, l’écriture de Christine Angot.
Le livre commence avec une aventure homosexuelle que Christine Angot raconte à la manière d’Hervé Guibert dans Lettre à un ami qui ne m’a pas sauvé la vie . Elle écrit : « J’ai été homosexuelle pendant trois mois. Plus exactement, trois mois, j’ai cru que j’y étais condamnée. » Cette stupeur passionnelle s’étend sur des pages et des pages. On cherche où est le rapport avec le titre. On découvre alors qu’on est comme tout le monde : on veut savoir. Un point pour l’auteure. Qui file vers la folie, veut se faire interner. Vers la moitié du livre, le propos commence à s’accrocher au titre. Tout fait sens. On finit par savoir ce que traduit L’inceste .
Pour lire Christine Angot, il faut accepter l’inconfort, l’agacement des redites, des obsessions, sa façon de ronger un os comme un chien, animal auquel elle se compare souvent dans L’inceste . Qu’on se le dise : Christine Angot ne joue pas. Elle fait partie des écrivains dont la vie, une fois mise en forme, devient littérature. Ça ne plaît pas à tous, mais ce n’est pas l’effet recherché. Avec L’inceste , Christine Angot affirme son rapport viscéral aux mots. Son livre est inclassable, au bord de la mort et parfaitement vivant, presque vainqueur.