On connaît l’esthétique poétique dite « baroque » de Jean-Paul Daoust, un auteur très prolifique ayant publié une trentaine de recueils depuis 1976. Il a par ailleurs dirigé la revue Estuaire de 1993 à 2003. On a pu le qualifier de « dandy crépusculaire » car son écriture plonge dans les zones d’ombre de l’humain, les aléas de l’existence et ceux, aussi, d’une époque. Ainsi, de Taxi pour Babylone (Écrits des Forges/L’Orange bleue, 1996) à Carnets de Moncton, Scènes de la vie ordinaire (Perce-Neige, 2010) en passant par Cinéma gris (Triptyque, 2006) et bien d’autres dont le célèbre L’Amérique (poésie sur CD, XYZ, 2005), Daoust nous propose une poésie assez sombre mais comprenant des moments esthétiques parfois très lumineux: c’est le cas du présent recueil.
En effet, celui-ci constitue un petit bijou d’édition grâce à son écriture simple, claire ‘ presque spontanée ‘ aux belles illustrations (proches du collage) créées par la poétesse Cynthia Girard. De courts poèmes nous sont offerts à la manière de « petits tableaux » dans lesquels, souvent, des animaux et insectes subissent le sort des curieux humains que nous sommes devenus… ou nous répondent en « effets-miroirs ». Ce qui n’est pas sans rappeler l’œuvre d’un Prévert.
Et cette belle esthétique poétique voltige, tourne autour de notre terre : « Et de Venise à Istanbul la lumière enlumine l’Histoire / pour en faire un poème dédié / à la beauté féroce du monde ». Mais cette « lumière » poursuit son envol loin de nos piètres atrocités pour, étrangement, risquer d’y sombrer: « Un monde à la Lovecraft vit là / Bien tapi dans l’ombre des lunes d’eau / Qui flottent si paisibles à la surface / De tant d’horreurs où les pires restent à venir ». Ne serait-ce pas là le curieux ‘ sinon nécessaire ‘ paradoxe de l’acte poétique ?