Nous sommes dans la première moitié du XXe siècle. Dimitri Borja Korozec est un anarchiste métis serbo-brésilien, polyglotte, gauche et dodécadigital. Loin de le servir, l’index supplémentaire qu’il porte à chaque main semble un signe du malheureux destin qui s’acharne sur lui, comme lorsqu’il se voit disqualifié dans un concours de dactylographie. Qui plus est, Ivan, l’amant de sa mère, appartient à une très vieille société secrète russe, les « Demi-Castrés ». Respectant la tradition, il fait donc procéder à l’ablation du testicule droit de l’enfant et l’avale. C’est pourquoi, dès son plus jeune âge, Dimo ressent une haine féroce contre tous les tyrans de la terre et se promet de les éliminer (tout un boulot !…). Avant de passer à l’action, il nourrit son intellect (à douze ans, il a déjà lu Proudhon, Bakounine et Kropotkine) et entreprend des études pour devenir un parfait assassin à la Skola Atentora, dans une école dirigée par nul autre que le célèbre colonel Dragutin Dimitrijevic, connu pour avoir été le fondateur et chef de la Main Noire, mouvement terroriste dont l’objectif ultime était l’unification de la Serbie et de l’Herzégovine.
Aussitôt sa formation achevée, il est plongé dans l’action et c’est alors que la déveine s’en mêle, le faisant systématiquement échouer dans chacune des missions rocambolesques qui lui sont confiées tout au long de sa ridicule carrière. Il rate Jean Jaurès tout aussi bêtement que l’archiduc François-Ferdinand et Roosevelt. En clair, Dimitri n’est jamais là où il devrait être au moment opportun. Il devait participer à la bataille de la Marne, il s’égare. Qu’il soit danseur dans un club, qu’il participe à des mouvements de revendications, joue comme figurant dans Ben-Hur ou travaille pour Al Capone, la même histoire se répète.
À tel point que le livre en devient pénible. Jô Soares a beau être, comme le précise la quatrième de couverture, une star dans son pays, cette renommée n’en fait pas pour autant un bon romancier. À lire L’homme qui tua Getúlio Vargas , on se demande si on n’est pas tombé sur un guide Michelin qui aurait un défaut de fabrication ou sur un mauvais manuel d’histoire de niveau secondaire. J’entends bien que l’auteur ne se prend pas au sérieux et qu’il circule entre les strates de l’histoire en connectant des événements à première vue sans rapports pour faire surgir des inédits possibles de l’existant. Mais le farfelu et le bouffon disparaissent sous le côté ronflant et pédant, rendu insupportable par l’utilisation systématique des trucs narratifs et des clichés les plus éculés. Même si le recul ironique est souligné à gros traits rouges, il ne fonctionne pas et ce, pour une raison très simple : le narrateur ne fait pas confiance au lecteur et se croit obligé de désigner les événements après qu’il les a racontés. Vieux réflexe de fonctionnaire… Bref, on se croirait dans une des mauvaises comédies de Hollywood qui infectent malheureusement de plus en plus les écrans du monde entier.