Pourquoi photographier les lieux mentionnés par Réjean Ducharme dans son roman L’hiver de force ? Serait-ce une façon différente d’approcher l’œuvre de l’auteur, connu pour cette manière tout à fait à lui de jouer avec les mots, ce style tellement particulier qu’on le dit « ducharmien » ? Ou voulait-on plutôt créer un album souvenir de ce quartier de Montréal qui, dans les années 1970, attirait les jeunes de la métropole parce que proche du centre-ville et offrant la possibilité de se loger à bon prix, quartier qu’aujourd’hui on appelle simplement « le Plateau » ? Ou est-ce parce que ces lieux ont une importance incontestable dans l’univers de Nicole et André Ferron qui, autrement, seraient seuls dans une société où les jours se suivent et se ressemblent, tous insipides, farcis d’images de la télévision ? En fait, c’est un peu tout cela.
Produit de la rencontre d’Élisabeth Nardout-Lafarge (professeure au Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal), de Gilles Lapointe (professeur au Département d’histoire de l’art de l’UQAM) et de la photographe Sylvie Readman (professeure à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM), ce petit livre, le cinquième de la collection « Autour de l’art », propose une sélection de photographies accompagnées d’extraits du roman. Cependant, il ne s’agit pas là d’illustrer ces extraits ni de donner des légendes aux photos. Ce serait, de préférence, une occasion créée pour faire en sorte que se rencontrent images et textes et proposer des ouvertures nouvelles.
Certaines photos datent de la fin des années 1970, c’est-à-dire à l’époque où se passe le roman, tandis que d’autres ont été prises en 2012 et 2013, soit environ 30 ans après sa sortie. On assiste donc en quelque sorte à l’évolution du Plateau. Certaines de ces photos, prises par un appareil en mouvement, semblent dire que la photographe a préféré la sensation à la narration.
Réjean Ducharme, comme les protagonistes de son roman, fait partie d’une génération qui s’est laissé progressivement envahir par l’image. À relire L’hiver de force, on découvrira peut-être que son auteur pratiquait une écriture photographique, que son point de vue devait non pas être raconté mais illustré. En voilà des ouvertures nouvelles, des questions intéressantes !
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