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NUIT BLANCHE

Ce n’est pas à l’ascension du jeune Ascanio Cherubini, castrat, que l’on assiste dans cette longue mélopée située à la fin du XVIIIe. On aurait pu le croire, car le récit s’ouvre au moment où il quitte son maître, à 19 ans, pour parcourir l’Italie et la Bavière et trouver ses premiers engagements avec trois amis musiciens. Le cœur de l’histoire, consiste en ce qu’Ascanio, qui devait en principe se dédier corps et âme à la musique, tombe amoureux du comte Albrecht von Hartenberg. Mais l’amour ne va pas de soi pour un castrat, bien qu’il soit partagé. Comment être convaincu que le comte l’aime vraiment pour ce qu’il est, et non pas seulement pour l’idéal de pureté qu’il incarne ? Comment le laisser s’approcher d’un corps qui a été méprisé et violé par un prince de Rome ? Comment vivre sereinement une relation homosexuelle dans une société qui tient cette orientation pour sacrilège ? « Songez à la virilité que requièrent les Héros dont les rôles vous sont destinés », le sermonne le vieux castrat Capusta, au faîte de sa gloire. « Et cessez d’offenser la Nature : elle est mère de l’Art. »

Autant de thèmes riches en soi, mais y a-t-il là matière à remplir plus de 600 pages ? Le lecteur fourbu qui écrit ces lignes ose en douter. L’art de la synthèse ne figure malheureusement pas parmi ceux que cultive Nathalie Castagné, elle-même chanteuse. Le roman conjugue sur tous les tons larmoiements et sursauts d’espoir, puis désespoirs et bonheurs indicibles ou indécis, au fil d’une narration constante qui déboule sans jamais surprendre. Un style riche et personnel aurait pu racheter la longueur, mais si la langue de Nathalie Castagné est correcte, voire « classique », comme on le souligne en quatrième de couverture, elle souffre en même temps d’un cruel manque d’aspérité, de relief, de pulsation. Les émotions fusent, mais restent collées sur le papier. Le lecteur veut bien être touché par les états d’âme d’Ascanio, mais il faut l’aider un peu.

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