Quels conseils pourrait prodiguer une comédienne d’expérience à sa jeune collègue en évitant la condescendance et le ton altier du donneur de leçons ? Louise Turcot parvient à répondre à cette question en toute bienveillance.Après plus de 50 ans sur les planches, mais aussi au cinéma et au petit écran, on ne peut nier que Louise Turcot connaît son métier et surtout le milieu du théâtre montréalais. Transposant un peu le modèle de Rainer Maria Rilke (dans ses Lettres à un jeune poète) et à la suite des Lettres à un jeune politicien de l’ancien premier ministre Lucien Bouchard, la collection « Lettres à un jeune… » offre, sinon des « ficelles du métier », du moins une philosophie de la vie professionnelle, avec ses émerveillements (les premiers succès), ses mirages (les cachets faramineux offerts pour jouer dans des publicités) et ses pièges (les productions ultra-commerciales qui ensuite vous collent une image indélébile). Mais les débutants masculins et le public théâtrophile pourront également apprécier ces exposés qui ne leur sembleraient pas nominativement destinés.Onze chapitres annoncent le plan de carrière de la future comédienne : la vocation théâtrale, les premiers rôles, les rencontres déterminantes, le poids de la critique, les tournées, etc. Évidemment, le travail acharné et le zèle constituent un minimum indispensable dans ce milieu hautement concurrentiel : « Être prête, pour toi, signifie savoir tes répliques à la perfection ? Ce n’est pas suffisant ». C’est en lisant entre les lignes que l’on apprend sur les dessous du monde du théâtre et du cinéma : évoquant ses premières auditions pour jouer dans un long métrage, Turcot rappelle cette étonnante mise en garde qui circulait en 1969, à savoir que, « entre jeunes comédiennes, nous nous passions le mot qu’il valait mieux ne pas trop se vanter de notre formation théâtrale si on voulait jouer dans un film de Gilles Carle ».Après avoir fait paraître une dizaine de romans et d’ouvrages pour la jeunesse, Louise Turcot n’a plus à prouver son don pour l’écriture. C’est son style généreux et éclairé que l’on apprécie, notamment dans ses remarques sur le vieillissement dans un monde axé sur l’image et le culte de la jeunesse éternelle, ou encore ses réflexions très justes sur la petitesse de la critique montréalaise et de ses « pseudo-journalistes » qui « sont le produit d’une industrie qui accorde de moins en moins de place à la culture ».Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’un autoportrait, les moments autobiographiques nourrissent cet essai rempli de sagesse ; on attend désormais de sa part une autobiographie en bonne et due forme. À la limite, ces Lettres à une jeune comédienne pourraient être profitables même à des lecteurs qui ne se destinent pas au monde du spectacle, et même à des comédiens aguerris.
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