Il aura fallu la guerre en Yougoslavie pour que Aline Apostolska , née à Skopjé, entende la voix enfouie de ses origines. Il faut dire qu’elle a à peine six ans quand son père décide de s’installer à Paris avec sa femme et sa fille. C’était en 1958. En dépit d’un avenir prometteur en Macédoine, Georgi Apostolska choisit de quitter son pays contre la volonté des siens, par méfiance à l’égard d’un système économique et politique qu’il juge « illusoire et inadapté, parce que trop idéaliste ». Élevée en France, Aline Apostolska , « à force de ne devenir ‘que française’ », en oublie ses origines – encouragée en cela par ses parents qui ne s’adressent à elle qu’en français – jusqu’à ce que les prémonitions de son père s’avèrent avec l’éclatement des guerres en ex-Yougoslavie. Sa « Yougoslavie intérieure » lui remonte alors à la conscience. En 1998, concours de circonstances ou besoin de marquer une rupture, elle s’installe à Montréal avec ses fils : « Il faut parfois partir loin, et se perdre, pour se rapprocher de soi-même » dira-t-elle, sans vraiment expliquer son choix.
Le corps de son récit raconte sa Yougoslavie, celle de ses ancêtres, Macédoniens, mais aussi celle des Bosniaques, des Herzégovines, des Serbes et des Croates, peuples catholique, orthodoxe ou musulman. Elle émaille son récit de considérations géographiques, historiques, socio-politiques et culturelles, présentant, région par région, un pays d’exil habité par divers peuples parlant des langues et pratiquant des religions différentes, des peuples fiers de leurs cultures respectives. Elle souligne la cohabitation somme toute harmonieuse de ces différences. Le respect de la différence, c’est en gros le message qu’elle veut léguer à ses fils : « Du respect de la différence, [les Yougoslaves] ont fait une institution même si, indécrottables optimistes, ils ont failli à leur propre idéal. Ce territoire qui s’est appelé Yougoslavie pendant moins de 80 ans, détenait, détient encore, l’une des clefs du secret de l’identité européenne. Et donc de son avenir. Du mien, du vôtre. Du nôtre. »
Témoignage inspirant porté par une écriture maîtrisée. Pas étonnant que la maison Leméac ait confié à Aline Apostolska la direction de sa nouvelle collection « Ici l’Ailleurs ».