Une bataille « décisive » se mène, mais l’Occident est « en train de la perdre » devant les avancées du communautarisme. Jouant sur les sensibilités démocratiques de diverses sociétés d’accueil, l’islam politique s’auréole d’un vernis progressiste et se répand en bonnes intentions sur la question de l’intégration. C’est notamment le discours porté par un de ses porte-étendards se voulant rassurants, Tariq Ramadan, mais dont les fondements rétrogrades sont systématiquement dévoilés par Djemila Benhabib. Et justement, il n’y a dans cette « stratégie » que ruse et tromperie pour mieux revendiquer et asseoir les traditions ainsi que les usages communautaires défendus par une frange conservatrice de l’islam. Déstabilisées, nos élites dirigeantes se perdent dans de nombreuses dérives qui paralysent leur action, minent les débats et brouillent les enjeux. Résultat : des concessions inacceptables en regard de la laïcité, du droit des femmes et de leur émancipation. En particulier à gauche, analyses et stratégies erronées aboutissent à des acoquinements dangereux provoquant la zizanie et de nombreuses dissensions dans ses rangs. Se défendant de vouloir « discréditer le féminisme ou de porter atteinte aux forces de gauche », Benhabib n’en porte pas moins une attaque en règle contre les positions de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et de Québec solidaire (QS) sur la question du port du voile et de la défense de la laïcité. Positions qu’elle juge difficilement compréhensibles et défendables en regard des idéaux respectifs de ces organisations. Sur un ton virulent, critique impitoyable et commentaires acerbes dénoncent reniements principiels, errements idéologiques, capitulations politiques et indulgence à l’égard de la mouvance islamiste et du discours de ces soldates d’Allah (voilées) qui essaiment sur toutes les tribunes et jusqu’en leur sein.
Benhabib voudrait expliquer ces « dérives à gauche », mais elle échoue à donner une réponse satisfaisante. On a l’impression que tout repose sur une surprenante naïveté politique nourrie de grossières illusions chez les accusés. Pourtant, Benhabib interroge avec pertinence des orientations et en appelle, avec justesse, à leur révision. Mais la méthode et la solidité de l’argumentation posent problème quand l’auteure reste arc-boutée à une position de franc-tireur qui sert mal le combat mené et sa polémique contre la FFQ, QS et ses porte-parole. Benhabib prête des intentions, glisse des allusions. Généralisations abusives et conclusions hâtives se succèdent dans l’amalgame des perspectives, des acteurs et des discours. Enfin, hormis une nouvelle orientation claire et ferme du législateur sur les questions en débat, l’ouvrage n’avance pas vraiment de solution de rechange pour disposer concrètement, sur le terrain, de l’affranchissement des femmes voilées soumises aux contraintes religieuses et à l’enfermement communautaire.
Les mots entre guillemets sont de Benhabib…