Du point de vue de l’action, il ne se passe à vrai dire que peu de choses dans le dernier roman de Madeleine Ouellette-Michalska. L’intérêt est nettement ailleurs : Les sept nuits de Laura forme un ensemble de tableaux qui (re)créent des atmosphères, décrivent des sensations, prolongent des états d’âme. L’écriture en est précise et ourlée. Elle arrive à détailler les contours pourtant vaporeux d’un esprit qui réfléchit, d’un cœur qui fait le point, d’une sensualité qui cherche à se satisfaire, d’un « vernis mondain » qui craque… : elle touche « la chair des mots ».
À la fois ferme et souple, la structure suit un modèle volontiers réitératif, voire circulaire, perceptible à plus d’un endroit. Au début de chaque tableau, par exemple, entrent en scène les deux héros : Christian, qui est romancier, et Laura, qui rédige un « Cahier de la mémoire » et qui est, justement, la « mémoire vive » de son conjoint. De plus, cinq des sept « nuits » s’ouvrent sur un écran d’ordinateur devant lequel Christian s’absorbe, et trois d’entre elles, dont la première et la dernière, se terminent sur un éclat : de rire, de soleil. Les lieux (un château, un manoir, un hôtel…) et les circonstances (plusieurs réceptions…) participent de la même récurrence, qui assure stabilité et matérialité à un roman où presque tout l’espace discursif est occupé par des paysages intérieurs, des rêves, des souvenirs, beaucoup de souvenirs.
On notera par ailleurs la tendance autoreprésentative de ce roman où l’acte de langage qu’est le texte se signale lui-même dans l’activité scripturale du couple Christian-Laura : c’est l’une des figures de la postmodernité, qu’accompagnent des extraits de romans, des titres d’œuvres, des noms d’écrivains et de peintres, des réflexions sur l’acte d’écrire.
Une triple tache d’encre (la fautive expression « à prime abord ») ne réussit pas à occulter l’aspect très « écrit » et très « construit » de ce roman qui se déroule néanmoins tout en nuance et tout en douceur.