Un écrivain, un photographe, une ville. Cette simple énumération pourrait servir de courte présentation à cette nouvelle collection des éditions Autrement dirigée par Claude Mesplède (Dictionnaire des littératures policières, Joseph K., 2003). Toulon (Sud de la France) est ici présentée, révélée, par la quelque vingtaine de photographies noir et blanc de Stéphanie Léonard, un Toulon bien connu aussi de l’auteur Georges-Jean Arnaud. Avec Les secrets de l’Allée Courbet, il revient en effet à cette ville qui lui a souvent servi de cadre : Le Coucou (1980) et Le veilleur (1984). Cette novella est le septième opus de la collection « Noir urbain [qui] veut saisir au travers de fictions courtes, incisives, focalisées sur un fragment précis d’une ville, l’esprit du temps, les gens et les mSurs d’aujourd’hui. Comme le grand roman noir, ethnographiques des milieux urbains contemporains. » (Liminaire)
Julia Serventi, une jeune journaliste toulonnaise, doit se rendre interviewer une figure importante de la région, l’ex-ministre Sémillon devenu député, qui vient de perdre son épouse. Personnage puissant et controversé, dont le passé a été marqué par une sombre histoire d’adoption qui s’était transformée en kidnapping, ce qui avait jadis placé le ministre sur la sellette et influencé sa carrière politique. Julia s’intéresse à cette affaire, peut-être un peu trop La rencontre se déroule sous le signe de la hargne et du non-dit. Décidément, Julia n’est pas à l’aise face à la mort, car elle traverse des moments difficiles, sa mère malade ayant atteint la phase terminale. (Et si sa mère pouvait parler – son beau-père tissait des liens avec Sémillon à l’époque – peut-être que . Quelles révélations elle pourrait tirer pour son article…si sa mère pouvait parler.)
Toulon, c’est la ville portuaire, les grands boulevards, une circulation dense, de grandes tours d’habitations, des édifices à bureaux et cette Allée-de-l’Amiral-Courbet, qui réserve de dures révélations à Julia, l’héroïne. Le décor est rendu de façon admirable par la photographe Stéphanie Léonard, dont le choix du noir et blanc rend bien la froideur, la grisaille des grands centres urbains. Le romancier lui revisite, dans ce texte, des thèmes utilisés fréquemment dans son œuvre : le double, le personnage en quête d’identité et sans passé, Toulon comme cadre urbain et la maison, qui renferme des secrets et pourquoi pas des passages secrets comme dans Le coucouou La recluse. Le dernier né saura convaincre ceux qui s’interrogent sur la manière de procéder de l’auteur. L’écriture est soignée, comme la présentation et le climax est dramatique à souhait sans toutefois donner dans le mélo. Pas vraiment d’énigme à déchiffrer ici, car on anticipe le dénouement de l’histoire assez rapidement. L’originalité et la force de ce court roman tiennent à la maîtrise que possède Arnaud qui nous fait vivre toute une rafale d’émotions et découvrir certaines des vérités en même temps que la narratrice. Les secrets de l’allée Courbet représente bien les productions de l’auteur.