Quatorzième roman de Gilles Archambault, Les rives prochaines met en scène Marcel, un retraité, qui retrouve une amie d’une autre époque de sa vie, Marie-Ange. L’ouvrage relate leurs retrouvailles, leurs souvenirs, mais également la relation parfois difficile entre Marcel et son fils de 37 ans, nommé Marin, dans un Montréal contemporain. Ces deux relations en parallèle ont en commun les conséquences d’une séparation assez longue entre des personnes proches, à laquelle succède un rapprochement dans des circonstances bien différentes. Les êtres impliqués ne sont plus tout à fait les mêmes, et pourtant…
Il est toujours agréable de se laisser porter par un écrivain d’expérience comme Gilles Archambault. Que de talent ! Quelle maîtrise dans le récit ! Ici, on remarque très peu de dialogues et de déclarations, mais en revanche un constant mélange d’intériorisation et d’introspection chez les trois personnages principaux. Les pensées et les souvenirs défilent, simplement, spontanément, comme en chacun de nous dans les moments de solitude. Sur le plan stylistique, au lieu d’élaborer des répliques, l’auteur nous livre les réflexions des personnages comme s’il s’agissait d’une sorte de monologue intérieur. Il y a même des chapitres entiers sans répliques, sans tirets, sans dialogues : seulement le fil de la pensée d’un personnage, dans une suite d’idées logiques et de petites histoires anecdotiques, un peu comme dans les premiers romans de Claude Mauriac (le fils de François). Pour illustrer ce style qui lui est propre, on peut ainsi lire, mais sans guillemets dans le livre, la pensée de ce personnage féminin, dont les réflexions sont exposées comme s’il s’agissait de déclarations ou d’invectives : « Marcel, tu ne fais jamais rien pour m’aider. T’ai-je assez dit pourtant que je n’arrive jamais à me rappeler le nom des personnes qu’on me présente ? » Plus loin, d’autres chapitres contrastent et offrent des réparties plus directes et une certaine dramatisation. Les rives prochaines est peut-être le roman le plus intime et certainement le plus sensuel de Gilles Archambault, qui par ailleurs multiplie les références littéraires. Comme toujours, les personnages sont attachants et humains dans leurs imperfections, mais sans jamais être pittoresques.