Il y a parfois de grands livres qui nous arrivent dans les mains. De grands livres parce qu’ils racontent des histoires qui nous remuent, mais plus, qui nous font réfléchir, mais plus, qui déplacent de l’air. Un de ces livres a été écrit par Esther Croft, publié récemment chez Lévesque éditeur, et dédié aux étudiants de ses ateliers d’écriture qui, comme le dit l’écrivaine, l’ont maintenue « en état de vigilance par leurs propres battements de mots ».
Les rendez-vous manqués regroupe dix nouvelles, des forces de la nature en ce sens qu’elles révèlent, toutes, des failles, des accents, des vérités, des troubles, des secrets de l’âme humaine. Esther Croft est une professeure rare. J’ai eu la chance d’être l’un de ses étudiants en création. Cela m’a profondément influencé. Cette femme est une puissante psychanalyste, mais c’est d’abord en écrivant qu’elle parvient à dénouer certains nSuds de la psyché qui, autrement, resteraient inextricables par les seules voies de la rationalité.
Son dernier recueil parle clair, de manière limpide, avec une maîtrise du verbe qui laisse pantois. À tout moment, en fin de texte, on se surprend à avaler de travers, à être profondément ému, comme si, grâce au texte, quelqu’un de remarquable nous révélait ce qui doit être révélé à propos de notre condition dans le monde. On ne peut qu’être bouleversé par le discours d’un alcoolique qui reconnaît que sa cure a retiré tout sens à sa vie. Bouleversé par les sentiments auxquels personne n’échappe : l’envie et la jalousie. Bouleversé par une histoire de vieille dame qui habite sur la rue Cartier, à Québec, et qui, le 23 juin, perd foi, en l’espace d’un simple accident, dans les forces essentielles de son peuple.
Oui, Esther Croft nous donne un rendez-vous avec une littérature d’extrême qualité qu’il ne faut certes pas manquer.