Éric Bédard est historien et il enseigne à la Télé-Université (UQAM). Dans son essai Les réformistes, il propose sa vision d’une génération de politiciens et de hauts fonctionnaires canadiens-français qui ont joué un rôle de premier plan dans le Canada du milieu du XIXe siècle. Des hommes dont le « noyau dur [était] composé d’Étienne Parent (1807-1864), Louis-Hippolyte La Fontaine (1807-1864), Augustin-Norbert Morin (1803-1865), George-Étienne Cartier (1814-1873), Joseph-Édouard Cauchon (1816-1885), Pierre-Joseph-Olivier Chauveau (1820-1890), Antoine Gérin-Lajoie (1824-1882) et Hector Langevin (1826-1906) ».
Les réformistes se sont impliqués dans la préparation et le dépôt des « 92 résolutions » votées par l’Assemblée législative du Bas-Canada le 21 février 1834. Ces résolutions demandaient plus de justice et une meilleure représentation pour les Canadiens français. Une fois rejetées par Londres, elles ont mené à une véritable mobilisation populaire durant l’été 1837. Pourtant, les réformistes se sont dissociés des soulèvements qui ont suivi, en 1837 et 1838. La raison de leur position est qu’ils redoutaient que le gouvernement impérial « accord[e] tout aux ministres et à l’oligarchie locale » comme l’écrivait Parent dans son éditorial du 13 novembre 1837 dans Le Canadien. Ils ne voulaient pas « provoquer le retour d’un pouvoir tyrannique concentré dans les mains d’un gouverneur et d’un Conseil hostiles aux intérêts canadiens ».
C’est effectivement ce qui se produit d’avril 1838 à février 1841. De plus, les soulèvements mènent à la promulgation de la loi martiale, imposée du 5 décembre 1837 au 27 avril 1838, et du 4 novembre 1838 au 24 août 1839. Ils conduisent également à la création du Canada-Uni, par l’Acte d’Union de 1840.
Malgré tout, les réformistes parviennent à obtenir la responsabilité ministérielle, en 1848. Ils font adopter des réformes « nombreuses et déterminantes sur les plans économique et social, qu’on pense à l’abolition du régime seigneurial, à la création des premières écoles normales, à la réforme de la justice et du droit civil ». Mais toutes ne vont pas dans le sens du progrès. Ce sont eux, en effet, qui ont retiré le droit de vote aux femmes, en 1849