Dans son dernier roman, sélectionné pour le Renaudot 2019, l’auteure algérienne met en scène un terrain vague où une armée d’enfants affronte deux généraux tout-puissants. La lutte des gamins pour préserver ce qui leur appartient de la rapacité des élites devient une allégorie des abus de pouvoir qui caractérisent l’Algérie d’aujourd’hui.La cité du 11-Décembre, commune à l’ouest d’Alger, abrite un terrain vague où les enfants du quartier jouent au ballon. La visite de deux généraux, nouveaux propriétaires du lopin de terre, met le feu aux poudres. Les enfants refusent que ces deux hommes qui ont déjà tout, qui dirigent le pays à leur guise, ravissent leur espace de jeu pour construire les villas dorées où ils prendront leur retraite. La bagarre éclate, les généraux doivent battre en retraite, mais une longue campagne s’amorce. Inès, Jamyl et Mahdi mènent la résistance, sous le regard bienveillant de la vieille Adila, célèbre moudjahida qui, en son temps, lutta pour l’indépendance de l’Algérie à coups de bombes.L’idéalisme de la jeunesse s’oppose à la passivité des adultes. Les enfants, téméraires, refusent de céder du terrain, et continuent à se battre alors que leurs aînés ont peur du changement. Si ces derniers sont hésitants, craintifs, à plat ventre devant les incarnations du pouvoir, c’est qu’ils ont connu les années de plomb, les attentats terroristes, et le sort qu’on réserve à ceux qui s’opposent à l’ordre établi. Ils ont depuis longtemps accepté la normalité de l’injustice. Le combat de la nouvelle génération contre l’iniquité de tout un système peut-il seulement réussir quand les adultes sont paralysés par la peur et la désillusion ?Le récit de l’affrontement sur le terrain vague est entrecoupé de scènes historiques captivantes, de descriptions d’une autre époque où un jeune peuple prenait la rue pour l’indépendance de son pays, de moments où le désir de vivre naît dans la violence. Trop peu nombreux, ces segments nés de la plume d’Adila semblent toutefois un peu plaqués sur les descriptions des tribulations des habitants de la cité du 11-Décembre. De même, les épisodes où des monstres sont évoqués, peut-être dans une tentative d’installer une ambiance surnaturelle, tombent à plat.Les petits de Décembre soulève néanmoins des questions pertinentes. Que veut dire la justice dans un pays comme l’Algérie ? Une vie sans idéaux vaut-elle la peine d’être vécue ? Jusqu’où peut-on aller dans la lutte contre l’injustice ? En trame de fond, ces questions puissantes assaillent les personnages, qui ont tous perdu un père, un fils, une partie d’eux-mêmes, victimes collatérales d’une lutte, d’un attentat.
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