En typique homme de gauche, le poète, essayiste et humaniste Paul Chamberland jette un éclairage puissamment révélateur et révoltant sur le fonctionnement vicieux et ravageur du monde actuel et dans le même souffle propose des solutions d’une totale impertinence pour y remédier.
Dans sa puissante démonstration du règne des marionnettes, l’auteur expose d’abord les péripéties de la contestation étudiante québécoise du printemps et de l’été 2012 et dénonce la violence stérile, législative, policière et médiatique des tenants de la loi du plus fort à laquelle les potentats libéraux, ces minables exemples de gérants serviles de la déliquescence au service du capitalisme financier, ont eu recours pour résoudre la crise. Déjà dans cette première partie, sont décortiqués quelques éléments de la logique du système mondialisé d’exploitation et de domination qui aliène tous les humains de la terre sous l’administration des pantins de la destruction.
Cependant, c’est lorsqu’il déborde l’analyse de cette crise locale que Chamberland s’attaque avec science et rigueur, et de manière concluante, aux gestionnaires cupides et bornés de l’État, du marché et du savoir, dont le pouvoir réel réside dans la seule gouvernance d’un monde qu’ils ne créent ni n’orientent. Ces manipulateurs-manipulés guidés par la main invisible et machinale du marché n’en sont pas moins les puissants vecteurs de la destruction, étouffant toutes les expressions possibles de l’autonomie collective et individuelle. Destruction de l’humanité de l’humain.
La démonstration de ce processus de déshumanisation activé par les pantins du système est en fait l’objectif fondamental de l’auteur, poursuivi d’un ouvrage à l’autre, depuis le début des années 2000. Ici, il montre comment la dangerosité de ces manipulateurs-manipulés s’accroît sans cesse au rythme infernal des avancées technologiques, pour arriver à faire de chaque personne une marionnette d’elle-même.
Comment venir à bout d’une telle menace puisque « la pente qui fait glisser de l’humain à l’inhumain est difficile à percevoir : la provenance endogène du non-humain est inapparente » ? Paul Chamberland compte sur un nouvel usage des trois vertus théologales : la foi, l’espérance, l’amour du prochain. En effet, cela commence par le dégrisement et il s’accomplit par la main tendue à un ami lointain, une invitation au partage d’un même rêve. Malgré la profondeur déjà atteinte de l’abîme et bien qu’il ne cesse de se creuser, la résistance demeure possible. Il s’agit de croire à un monde meilleur et de l’espérer dans l’attente miraculeuse de la disparition du mal. C’est un pari que nous pouvons aussi bien gagner que perdre.
Prions, mes frères.