La meilleure soupe perd sa saveur quand on l’allonge d’une trop grande quantité d’eau. À exploiter jusqu’à la dilution la même veine que dans Les hommes de paille, Michael Marshall en oublie de se renouveler ; il persiste et signe, excès compris. Il laisse même échapper l’occasion de débarrasser sa saga de ce qui l’entachait d’outrance. En lieu et place, il multiplie les poncifs et les invraisemblances : le frère soupçonné à la place de son frangin, les flics frappés dans leurs affections familiales et lancés dans des vendettas personnelles, les complots mis en branle avant même que le détroit de Béring laisse passer en Amérique les tueurs de la préhistoire, etc. Cela fait beaucoup.
Heureusement, Michael Marshall excelle à animer gens et décors. Les pages où la propriétaire d’un petit hôtel parcourt son domaine et cueille les menus accrochés aux portes des chambres témoignent d’une fine observation. L’analyse des scènes offertes aux voyeurs par Internet révèle à la fois la maîtrise de la technique et la capacité d’observation d’un enquêteur intelligent. Quant aux relations humaines entre les diverses confréries de policiers, elles incitent à plaindre plus qu’à admirer ceux et celles qui s’y trouvent englués. Tous et toutes combattent le crime, mais en se jalousant, en se mentant, en dissimulant ce qui aiderait l’enquête du service rival. Pendant que l’intrigue hésite entre la chasse policière à la moderne et la traque cosmique digne de la science-fiction, l’auteur démontre discrètement son goût et son talent pour la description des lieux, les incursions dans la psychologie des personnages, le regard critique et désabusé sur un monde déboussolé. Cela rachète un partie, mais en partie seulement, le dérapage vers un désordre sans grande crédibilité.