Depuis plus de quarante ans, Gilles Marcotte recense et questionne en même temps qu’il l’alimente la littérature de chez nous. Mais chez nous, semble-t-il se demander, qu’est-ce devenu ? « Une fête toujours proche de la fin, l’annonçant, l’appelant peut-être », la maison immense qu’est le catholicisme, « où l’on trouve de tout. Sa faiblesse et sa grandeur. Son humanité » ou, matérielles et aurorales, les uvres ressassées, immortelles de Saint-Denys Garneau, René Char, Jacques Brault, L’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, les quatuors de Beethoven ?
L’habitat de celui qui a donné, au Québec du moins et à l’instar d’un Blanchot en France, sa résonance la plus rigoureuse au mot critique, la demeure de cet homme envers le tumulte, son logis de fortune à une époque bien pauvre en mots et trop pleine d’images, c’est la littérature, on le sait. Mais soupçonne-t-on combien l’auteur d’Une littérature qui se fait s’est nourri, au fil des ans, de correspondances avec les amis poètes, des échappées mélomaniaques hors du temps qui est le nôtre, d’un dialogue avec la foi qui n’admettra aucune complaisance ? Résistant, dans le « monde où [il] vi[t], où le matraquage des médias électroniques s’exerce à plein, où tout se veut immédiat, familier, sans écart », à un génocide culturel qu’il ne subit pas sans effroi, Gilles Marcotte porte en offrande, dans Les livres et les jours, cette volonté épique qu’il nomme lui-même, trop modestement, « une petite vertu de résistance ». Pressentir la part d’ombre et de mémoire mais aussi la volupté et les quelques bribes d’extase qui traversent ces moments fragiles, c’est tâter le pouls d’un penseur infatigable, peut-être l’un des plus tenaces qu’aura connu notre pays.