Le « plurilinguisme textuel », que Lise Gauvin appelle aussi « multilinguisme » et « hétérolinguisme », est défini d’entrée de jeu comme « la variation interne qui fait se juxtaposer, se succéder ou se confronter plus d’une langue dans un même texte » ; le terme « langue » est entendu ici dans la double acception de « langues étrangères » et de « niveaux de langues ». Si la perspective dialogique bakhtinienne est le principal « ancrage théorique », les essais d’Édouard Glissant, de Jacques Derrida, de Roland Barthes et de quelques autres sont aussi convoqués.
Le corpus étudié est très varié. Ginette Michaud et Georg Kremnitz s’intéressent respectivement aux œuvres de James Joyce et de Jorge Semprun, deux auteurs qui écrivent en français, mais dont la langue d’origine est l’irlandais dans le premier cas et l’espagnol dans le second. Sept autres collaborateurs examinent des romans du répertoire français (Rainier Grutman), québécois (Lise Gauvin), acadien (Raoul Boudreau), belge (Jean-Marie Klinkenberg), sénégalais (Amadou Ly, Alioune Diané) et guadeloupéen (Katherine Khordoc). Chacun traite de l’un des nombreux aspects des rapports langues/littératures : les phonographies de l’accent, le bilinguisme littéraire, son ambiguïté, son inconfort, les faits et effets de langue, les procédés littéraires, la thématique identité-aliénation, le pérégrinisme, la créolisation. Tous tendent à démontrer que « si le plurilinguisme paraît indissociable de l’art romanesque comme tel, les connotations qui l’accompagnent diffèrent sensiblement en fonction de l’environnement linguistique — le co-texte — dans lequel il s’insère ».
Voilà un collectif matériellement mince mais qui élargit bellement les horizons du roman francophone mondial.