Écrivaine renommée, Hella Haasse a publié une œuvre imposante dont la liste compte plus d’une trentaine de titres. Parmi ses derniers ouvrages, on trouve, parus la même année, Des nouvelles de la maison bleue (Actes Sud) et Les jardins de Bomarzo. Si le premier s’inscrit dans le corpus des romans et nouvelles au ton caractéristique de l’écrivaine néerlandaise, le deuxième s’avère un essai hautement documenté de l’érudite historienne. Car Haasse est une passionnée d’histoire à l’esprit critique et ouvert. Une humaniste sans doute comme certains personnages de cette époque de la Renaissance qui a vu la conception et l’édification de ces Jardins de Bomarzo.
Haasse entraîne son lecteur dans ces années du tournant du XVIe siècle où grandeur et décadence se côtoyaient. Nous voilà au cœur des luttes de pouvoir entre les grandes familles italiennes B Farnèse, Sforza, Orsini, Borgia, Este, Médicis B, des alliances et des mésalliances des monarques européens, des ambitions si peu chrétiennes des papes qui entretenaient ouvertement leurs maîtresses et octroyaient à leurs enfants terres, titres et couronnes, des œuvres grandioses des maîtres de la Renaissance : Raphaël, Michel-Ange et leurs contemporains. Nous voici également au cœur d’un jardin labyrinthique dont les sculptures, loin de célébrer la beauté et la grâce, sont autant de personnages déconcertants et mythiques. Dans cet essai, Haasse tente de comprendre l’origine et l’utilisation de la figure symbolique du labyrinthe qui remonte à la nuit des temps. Sans imposer la moindre théorie, elle ouvre des portes qui pourraient permettre de découvrir le possible concepteur de ces jardins de Bomarzo si particuliers et inquiétants. Selon l’écrivaine et historienne, il existe en effet une multitude d’interprétations sur un même sujet ; un détail banal en apparence peut éclairer une situation historique.
Un ouvrage fouillé à ne pas mettre entre toutes les mains toutefois. Car, malgré le talent de l’auteure pour expliquer et proposer ses multiples hypothèses, Les jardins de Bomarzo captera surtout l’attention des amateurs d’histoire et de mythologie ; les autres se perdront à leur tour dans les labyrinthes de Bomarzo.