On ne peut pas dire le contraire : ce thriller est violemment efficace !
Stephen King le qualifie même de chef-d’œuvre. Sans aller jusqu’à un tel jugement, il faut reconnaître que Les hommes de paille est un roman étourdissant, même si on finit par suffoquer devant toutes les atrocités qu’il dépeint. Ces horreurs gratuites ont-elles vraiment leur utilité ? On peut envisager l’eugénisme nouveau siècle, nouveau genre, nouvelle méthode sans pour autant faire crever, dans des circonstances horribles, des dizaines et des dizaines de personnes toutes plus innocentes les unes que les autres. L’idée d’améliorer le patrimoine génétique de certains groupes humains en liquidant les individus jugés débiles et en encourageant ceux qui se conforment aux idées dérangées de quelques individus aux projets discriminatoires est suffisamment violente en soi sans qu’on y ajoute en plus des corps déchiquetés, des têtes brisées, des carnages à la pelle, des tueurs en série pas effroyables en soi, juste des gens « qui commettent l’inacceptable sous l’emprise d’obsessions névrotiques »
Avec un humour sinistre à faire rire jaune le pire mécréant que la terre ait porté, l’écrivain britannique réussit le tour de force de mener simultanément trois faits divers qui, chacun à sa manière, a le mérite de réveiller nos vieilles peurs et nos certitudes secrètes. Écrire de front trois histoires sans qu’au fil des pages et des chapitres on ne perde l’intérêt pour chacun des protagonistes, mieux, qu’on parvienne à se prendre d’affection – ce serait peut-être trop dire – pour leurs énigmes, eh bien, c’est tout un exploit. Le style est redoutablement nerveux, le rythme et les séquences sont rondement menés. Les dialogues sont franchement modernes, les descriptions particulièrement suggestives, un peu comme les ralentis qu’offrent certains films.
Michael Marshall n’appartient pas encore au sérail – c’est son premier thriller. Le moins qu’on puisse lui reconnaître, c’est d’avoir de la suite opportuniste dans les idées et de protéger son investissement. L’épilogue lui permet de se garder ouverte une belle porte de sortie sûrement vers les metteurs en scène « in » et rompus au box office de Hollywood.