Les émois d’un marchand de café raconte les cinq dernières années que Guillaume Tranchemontagne, un distributeur de café maintenant millionnaire, décide de « consacrer à faire le bien » pour effacer les injustices du passé et réparer ce qu’il appelle le « gâchis » de sa vie. Mais cette « croisade de bienfaisance » ne va pas sans mécontenter ses trois enfants, qui sont aussi ses employés chez Délicaf. Craignant pour leur héritage, ces derniers ne reculent pas devant les démarches sournoises pour contrecarrer les projets paternels. Une deuxième crise cardiaque, provoquée par le geste irréfléchi de l’aîné dans un moment de frustration, aura finalement raison du cafetier.
Pour juste qu’il soit, ce résumé rapide du neuvième roman d’Yves Beauchemin ne donne qu’une idée fort incomplète d’une intrigue qui multiplie les faits et gestes de Tranchemontagne pour arriver à ses nobles mais difficiles fins, et qui convoque une foule de personnages et de situations où abondent les détails narratifs et descriptifs de même que les explications « psychologiques » et les notations émotives. Les habitués reconnaîtront d’ailleurs ici la manière de conteur propre à l’auteur du Matou . À vrai dire, l’action ne se noue réellement qu’au quinzième chapitre, après 200 pages d’une longue mise en scène dont l’exploitation est différée. La langue du narrateur est quant à elle simple, précise et uniformément correcte, comme toujours. En revanche, les dialogues sonnent parfois faux, comme dans ces propos d’un camionneur donnant ce conseil à Tranchemontagne, au sujet de l’insecticide Muskol : « Passe-t’en un bon coup, elles [les mouches] vont arrêter de t’achaler. »
Nul doute cependant que Les émois d’un marchand de café saura garder à son auteur les faveurs du lectorat qui lui est fidèle depuis maintenant 25 ans.