Documenté et renseigné comme il l’est, immergé depuis des années dans l’enseignement universitaire et sa pratique syndicale, Roch Denis aurait pu – et peut encore – présenter à l’université québécoise un miroir exigeant et fidèle. Il ne l’a fait ici qu’à demi. Non que ce petit livre répande des inexactitudes, mais parce qu’il n’insiste guère sur les défis qu’évoque pourtant l’ouvrage. Quand, par exemple, Denis note à juste titre que l’université n’assume guère la fonction critique qui est une de ses missions essentielles, il n’indique ni les causes de cet embourgeoisement ni ses remèdes. Il en va de même de l’éthique. Denis la proclame nécessaire avant de la dire trop souvent absente, mais il n’ajoute rien sur l’origine de cette énorme lacune, ni sur les correctifs à apporter. Si des reproches aussi graves et aussi mérités demeurent ainsi à l’état de diagnostic sans suite, c’est probablement qu’aux yeux de Denis le seul grand problème dont il faille parler à propos de l’université québécoise, c’est celui du financement. Selon lui, « la question est entendue » : l’argent fait défaut. Point n’est besoin de le prouver.
Peut-être en est-il ainsi. On en serait davantage convaincu si Denis n’échappait pas, peu avant de conclure, une phrase étonnante : « […] c’est certainement une faiblesse de l’université québécoise, qui se répercute sur l’institution et chacun des établissements, que de ne pas disposer d’une définition actualisée de sa nature et de son rôle ». On aurait pourtant pensé qu’il est préférable de savoir qui l’on est et ce qu’on veut faire avant de réclamer des fonds supplémentaires. Je ne reproche pas à Roch Denis sa loyauté à l’université et à son syndicalisme ; je la constate.