Dans le Midwest, plusieurs mois avant la fête de Noël, voici qu’Enid, la mère, entreprend de rassembler ses ouailles à St-Jude pour une dernière fois car le père, Al, parkinsonien en perte d’autonomie, donne tous les signes d’un début d’Alzeimer. « – C’est quoi, un bonheur authentique ? demanda Denise quand le bruit cessa. – Je souhaite que nous soyons tous réunis pour un dernier Noël. »
Enid, qui se fait une fête d’accueillir ses enfants à St-Jude, doit cependant composer avec les difficultés que cela comporte car ce qui constitue pour elle le bonheur représente, pour les quatre autres membres de sa famille, une corvée. Gary, le banquier dépressif qui recourt à la paix éthylique dans les moments de tension, se révèle peu convaincant auprès de sa femme pour qu’elle se joigne à lui avec leurs trois fils. Chip, professeur de littérature viré par l’université pour avoir cédé aux avances d’une étudiante, tente tant bien que mal de faire fortune en Lituanie en escroquant des investisseurs étrangers. Chef de grande renommée, Denise, virée elle aussi du restaurant où elle exerçait son art pour avoir couché avec la femme de son patron, constamment aux prises avec la culpabilité, hésite entre consacrer du temps à ses parents vieillissants et vivre sa vie comme elle l’entend. Enfin, le père, mal résigné, nourrit des idées suicidaires pendant ses moments de plus en plus brefs de lucidité.
Au-delà de l’histoire mouvementée de cette famille américaine, Jonathan Franzen réussit à susciter chez son lecteur toutes sortes d’émotions. Il touche certes une corde sensible chez les baby boomers confrontés à la dure réalité d’avoir des parents vieillissants. Mais il touche également l’enfant que l’on demeure tant que les parents sont de ce monde en évoquant tous les compromis et les dépassements qu’implique nécessairement cette relation.
En dépit de certaines longueurs, ce roman, d’une décapante lucidité, ne laissera personne indifférent.