Jean Lamarre vise essentiellement un double objectif : procéder à « une analyse des multiples facettes de la participation des Canadiens français » à la guerre civile américaine de 1861-1865, dite guerre de Sécession, et « replacer cet épisode particulier de l’histoire canadienne-française [1’auteur n’utilise jamais le terme ‘québécois’] dans un cadre plus vaste, soit celui de la grande migration qui a drainé entre 1840 et 1930 près d’un million d’entre eux vers les États-Unis ».
Quatre chapitres concourent à la démonstration projetée. Le premier fait état des travaux antérieurs sur le sujet et en commente les données « fragmentaires et incomplètes ». Jean Lamarre propose alors « une nouvelle estimation du nombre de participants canadiens-français » à la guerre, « nombre [qui] oscillerait entre 10 000 et 15 000 » sur un total de « 50 000 combattants » canadiens. Il explique de même la « méthode peu orthodoxe de dépouillement » de dossiers militaires qu’il a choisi de suivre et qui lui a permis de confectionner un « échantillon […] représentatif » de « 1320 soldats […] nés au Canada français […] ou aux États-Unis de parents nés au Canada ». Le deuxième chapitre tente ensuite de cerner les causes de la guerre et l’impact de cette dernière sur le Canada. L’auteur y parle de la position (sudiste) de l’Église canadienne-française, de l’évolution de l’opinion publique, de l’enrôlement des Canadiens français, de leurs diverses motivations, du recours à la substitution pour les conscrits américains, des nombreuses désertions… Les deux derniers chapitres résument le déroulement des hostilités, avec le nom des officiers en présence, leurs stratégies, leurs effectifs, l’issue des combats, les soldats tués et blessés, y compris les combattants canadiens-français, qui ont été de toutes « les principales batailles ». D’abord victorieux, le Sud a été amené à capituler le 9 avril 1865. Une « Annexe » de 31 pages dresse enfin une liste de 1018 « soldats nordistes canadiens-français ou de parents canadiens-français repérés par l’auteur dans les archives » nationales de Washington. Plus du quart de ces 1018 combattants sont clairement identifiés comme originaires du Québec.
Les Canadiens français et la guerre de Sécession ajoute, certes, aux connaissances sur le sujet. Il s’en faut de beaucoup, en revanche, que l’étude du phénomène soit complète et définitive, et l’auteur le sait bien dont l’ « échantillon sélectionné […] représenterait près de 10 % [seulement, serait-on tenté de dire] du nombre total de participants canadiens-français ». L’un des apports particuliers de cette étude est d’avoir pensé la participation des Canadiens français à la guerre de Sécession dans la perspective plus globale du phénomène de l’émigration vers les États-Unis. Lors de ce conflit, « l’objectif [des migrants] est demeuré le même, soit celui de s’assurer d’un revenu [‘d’appoint’]. Le moyen de l’atteindre, par contre, fut beaucoup plus périlleux […] [P]our les Canadiens français, la guerre n’a pas interrompu l’émigration. Elle n’en a été en fait qu’un épisode déroutant, angoissant et souvent fatal », puisque « [p]rès de 1 soldat canadien-français sur 7 meurt durant la guerre ».