La « fascination » exercée dans le monde entier par l’œuvre d’Anne Hébert et le besoin de « fournir un canal privilégié » à la recherche qu’elle suscite justifient la création des Cahiers qui portent son nom, estiment leurs codirecteurs Pierre Hébert et Christiane Lahaie : cette nouvelle revue littéraire spécialisée, à périodicité annuelle, est vouée à la publication des travaux actuels sur les écrits de l’auteure récemment décédée.
Le numéro inaugural, présenté par Janet M. Paterson, une spécialiste reconnue de l’œuvre hébertienne, réunit six études à caractère majoritairement thématique, dans lesquelles la figure de l’aliénation revient régulièrement. Anne Ancrenat s’attarde d’abord sur le « microrécit de la galerie des ancêtres » pour dévoiler l’impuissance du discours patriarcal dans Les fous de Bassan, tandis que Sylvain Pelletier traite de l’altérité chez George Nelson dans Kamouraska et que Daniel Marcheix scrute le parcours de la colère comme « élément essentiel de la syntaxe identitaire » du même Nelson et de nombreux autres personnages. Pour leur part, André Brochu et Neil B. Bishop posent, l’un « la question de l’angoisse existentielle » par le biais du thème du secret dans Est-ce que je te dérange ? (cet article a été repris il y a peu dans Anne Hébert, Le secret de vie et de mort), l’autre celle de la problématique de l’espace, et particulièrement de l’Ailleurs, dans les textes hébertiens. Je garde pour la bonne bouche la contribution de Jaap Lintvelt qui révèle la « scission profonde » de l’être de plusieurs héros romanesques en se penchant sur une réalité narrative rarement discutée et pourtant fréquente dans les romans d’Anne Hébert, à savoir « l’autoréférence à la troisième personne ».
Les quatre dernières pages de ce premier numéro résument successivement l’historique, le contenu archivistique et les activités scientifiques du Centre Anne-Hébert, créé en 1998 et dont les récents Cahiers Anne Hébert sont une émanation.