Si Michel Tournier avait la quarantaine bien sonnée quand il publia son premier roman, Vendredi ou Les limbes du Pacifique, en 1967, il fait figure de jeunot à côté de Kim Zupan, âgé de 61 ans lorsqu’est paru The Ploughmen en 2014. Avant de s’essayer à la littérature, Zupan a tâté de plusieurs métiers : il a été professionnel de rodéo, pêcheur de saumons en Alaska et même réparateur d’avions à réaction. Il enseigne aujourd’hui la menuiserie à Missoula, Montana. Cet État américain, qui forme le décor des Arpenteurs et donne lieu à de nombreuses évocations ensorcelantes, appartient à la géographie intime du romancier puisque celui-ci a grandi dans les environs de Great Falls. Depuis sa parution, Les arpenteurs a soulevé un concert d’éloges, nullement exagérés : le livre de Kim Zupan possède le côté à la fois sauvage et tendre, sombre et lumineux des grands romans américains.
Le ton du récit est donné dès le prologue. Un drame horrible s’y joue en quatre pages : le jeune Valentine Millimaki découvre dans une grange le cadavre de sa mère suicidée. Elle avait laissé une note, sans doute destinée à son père, mais que Val croit lui être adressée. Se figurant que sa mère lui a confié la responsabilité de l’affreuse découverte, il jure de ne pas la trahir. Voilà sans doute ce qui l’a poussé à devenir l’adjoint du shérif. Assisté de Tom, le chien pisteur, c’est souvent Millimaki qui ratisse la contrée à la recherche de disparus. En général, il les retrouve trop tard, mais il s’accroche à l’espoir de sauver le suivant. Sa fermeté d’âme n’échappe pas à John Gload, l’autre protagoniste du roman. Gload, 77 ans, est un tueur cruel et redoutable, que rien n’apparente à l’adjoint du shérif, si ce n’est son penchant pour la vie rurale. Récemment arrêté, Gload attend de subir son procès. Millimaki, astreint à la garde de nuit, s’assoit en face de lui et commence à l’écouter. Puis, de fil en aiguille, une troublante amitié se noue entre ces deux êtres que tout oppose.
Ce qui fait la valeur de ce roman, ce n’est pas seulement le sujet en or que tenait son auteur et qui lui a été inspiré par des faits réels. C’est aussi la grande efficacité de l’écriture, qui rappelle la Trilogie des confins de Cormac McCarthy par sa prose sèche mais fluide et la beauté crépusculaire du paysage.
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