Le premier roman d’Upamanyu Chatterjee à être traduit en français a de quoi charmer : plein de fraîcheur, bien écrit, drôle, il se lit facilement malgré les mots hindous dont il est parsemé et avec un grand plaisir. Tout en racontant les tribulations d’Agastya Sen, l’auteur y dépeint l’Inde sur un mode satirique, l’univers de chiens et de vaches errants, de rickshaws, de gens qui « se multiplient comme un joyeux cancer », où la tradition et la modernité se côtoient, se heurtent et, souvent, entrent en collision.
Entré dans l’Indian Administrative Service pour faire un stage de formation, Agastya découvre les régions arriérées de son pays. L’expérience qui est censée être enrichissante (selon ses cousins, amis et autres fonctionnaires) s’avère rapidement l’une de celles dont on veut voir la fin. À Madna, les journaux sortent « quand il y a des ragots savoureux à raconter », les condiments susurrent parfois « salut, je m’appelle choléra et toi ? », et la chaleur ou les moustiques qui piquent au visage n’améliorent en rien la situation. Fumer de la marijuana et se masturber dans la chambre partagée avec une grenouille, faire du jogging, chercher des prétextes pour éviter les réunions, cela devient lassant aussi.
Un retour à Delhi convaincra le fonctionnaire déjanté que travailler dans le domaine de l’édition, emprunter chaque jour la même route et rencontrer les mêmes personnes n’est pas pour lui non plus… Le cynisme étant l’une des seules armes qui lui restent, il l’emploie abondamment à la grande joie du lecteur , sans jamais se répéter.
« Ce qu’il y a de mieux dans les mythes, c’est que la survie est toujours très simple » dit l’un des personnages, comme pour nous rappeler la complexité du monde réel. Hésitant devant la vie qui lui est offerte et ne sachant pas comment créer celle dont il rêve, Agastya Sen a « échoué, certes, mais avec quelle élégance ! »