Le ton de cette succincte biographie est résolument romanesque. Ne serait-ce que par le rapport, posé dès l’incipit, de William Lyon Mackenzie King à l’écriture. Car le grand homme tint, pendant 57 années, un journal intime que Luc Bertrand n’hésite pas à consulter, pour en extraire parfois quelques citations qu’il met dans la bouche de son personnage, sous forme de didascalie dans la biographie. C’est le parcours professionnel du Premier ministre canadien que Bertrand esquisse. De l’étudiant prometteur et ambitieux qu’il était, nous suivons la longue carrière politique de Mackenzie King (qui resta 22 ans au pouvoir) dans ce qu’elle eut de glorieux (sa succession à Laurier, sa retraite mondialement saluée, etc.), de courageux (faire face aux conflits canadiens anglais/français qui menaçaient à tout moment de briser l’unité canadienne qu’il tenait fermement à affermir), de naïf (King qui ne crut pas à la crise économique de 1930, et qui revint confiant d’une rencontre avec Hitler, avant que n’éclate la Seconde Guerre) et de pathétique (le rapport du célibataire à sa mère et sa superstition grandissante).
Bertrand va à l’essentiel. Et le condensé qui en résulte est habilement construit. L’ouvrage ne donne pas dans le technicisme politique, stratégique, économique ou historique, mais plutôt vulgarise et facilite la compréhension des contextes et conjonctures dans lesquels Mackenzie King évoluait et agissait. Bertrand admire King, aussi l’ouvrage veut-il lui rendre hommage, et le point de vue adopté pour raconter son histoire peut être dit « fédéraliste » (en tant que parti pris implicite). La biographie est bien documentée encore que contenant étonnamment peu de références bibliographiques outre le journal intime du Premier ministre. Elle relate en tous les cas, très assurément, quoique sommairement, une période importante du développement du Canada et du Québec, en mettant l’accent sur un personnage, il est vrai trop peu connu, Mackenzie King.