Sur fond de pauvreté et de solitude, voici un livre dur, plein de violence, d’incompréhension. Une femme de 58 ans raconte son enfance et son adolescence, marquées par la quête incessante, quotidienne, d’un geste d’amour de sa mère. Cette femme, c’est la chanteuse Catherine Ribeiro, reconnue à cinq reprises par l’Académie Charles-Cros.
Née en 1941 de parents portugais immigrés en France, elle est la troisième fille de sept enfants. C’est la guerre, les bombes, les courses aux abris. Catherine n’est pas heureuse, sa mère l’enferme à la cave dans le noir, elle reçoit souvent coups et brimades. L’enfant s’endurcit. À cinq ans, elle se prend d’amour pour le petit frère qui vient de naître, mais le bébé, malade, est emmené à l’hôpital et y meurt cinq mois plus tard ; on ne lui en dira jamais rien. À l’école, elle découvre le plaisir d’apprendre, récolte les récompenses, mais en sera privée parce qu’elle a passé la main sous la jupe d’une amie. L’été où elle passe deux mois dans une colonie de vacances sera le seul bel été de sa jeune vie. Puis vient la découverte du premier amour, les interdits, les coups, l’abus de médicaments, l’internement psychiatrique. Une chambre avec double porte, double fenêtre sans espagnolette, des barreaux derrière les carreaux. Des cures de sommeil. Des doses répétées d’insuline. Des séances d’électrochocs. Après cinq mois et demi, elle retrouve sa famille, cet homme aux yeux bleu délavé qu’une copine en furie vient injurier. Elle se ferme à l’amour, lit les poètes, écrit et chante !
Elle ne raconte pas en détail les faits qui ont bousculé sa vie ; ils ne composent pas la trame du livre. Elle raconte plutôt ce qui la sollicite, ce qui la fait souffrir, ce qui la révolte. À la dernière page du livre, elle écrit : « Que de souffrances, de foudroiements de la pensée, d’éparpillements de l’âme pour être encore et toujours seule dans une éternelle solitude. »