Chroniqueur à La Presse, auteur d’essais, Louis-Bernard Robitaille publie un troisième roman, au style élégant et désinvolte. Écrit en phases successives, Le zoo de Berlin fut d’abord une suite de tableaux. « Quand je l’ai commencé, il y déjà quatre ans, j’ai fait la première couche. Et puis j’ai recommencé à Noël. Ça venait par gros blocs, qui étaient de gros pavés. Finalement, après, pour que tout ça soit lisible, il a fallu entrelacer le tout », m’explique-t-il au cours d’une entrevue radiophonique réalisée le 18 février 2000. Difficile de résumer en quelques mots cette histoire qui mêle suspens policier, scandale politico-financier et les états d’âme d’un banquier qui se retrouve à Berlin après une cuite : Patrick J. Delarue quitte Paris en décembre 1994 et s’éveille ivre mort dans une chambre d’hôtel qui surplombe le zoo de Berlin. « J’ai voulu raconter le passage à vide, un moment de crise d’un homme de 48 ans qui, après une plongée dans l’alcool, se retrouve, sans le savoir, à Berlin. Progressivement diverses choses expliquent le passage à vide de cet état de crise dans lequel il se trouve. »
Alors qu’il fuit un policier à ses trousses pour une affaire louche à laquelle il serait mêlé, un banquier de la Western International Banking Corporation apprend, par un courrier en provenance de Montréal, la mort de sa sœur qu’il n’a pas revue depuis une dizaine d’années. Aussitôt vient le hanter le souvenir de son père, un homme brutal qui frayait avec les petits mafiosi du quartier Hochelaga de Montréal. Delarue, qui porte le nom de sa mère depuis que Jimmy O’Flaherty a été condamné à la prison dans les années 1960, ne peut donc pas échapper à son passé. Homme blessé, il ressemble à Berlin, une ville déchirée. Berlin, l’ancienne capitale cosmopolite que les nazis, puis les communistes ont tenté de détruire sans y parvenir. « Pour ce genre de plongée, Delarue recherche une grande ville un peu inconnue et mystérieuse. Berlin est une ville complètement folle, détraquée à cause de son histoire. Malheureusement, des villes comme Rome ou Venise n’ont plus aucun mystère, ce sont des musées. Tandis que Berlin, c’est un gros bordel, quoi ! »
Au-delà du récit policier dont la trame est convenue, le charme du roman de Louis-Bernard Robitaille vient en partie de cette atmosphère de fin du monde qu’il recrée. Sa description des rues de Berlin, c’est comme si nous y étions. Le café Einstein, la Savignyplatz, la lumière bleutée du soir, le paysage glauque, dévasté comme après une guerre, tout ce climat de mystère est bien évoqué dans un style classique. Et puis, il y a de la nonchalance distinguée et désabusée dans ce roman. Ceux qui lisent les chroniques dominicales de Louis-Bernard Robitaille reconnaîtront son style détaché, bon chic bon genre. Les dialogues, notamment, ont un ton précieux et insouciant.