Amélie Nothomb est fascinante.
On la sent derrière tout ce qu’elle écrit, même lorsqu’elle le fait au masculin, mais elle n’est jamais embarrassante, ni moralisatrice, ni gênante. Elle a l’art de l’intrigue, de l’invitation inquiétante, de la déroute, du paradoxe, de l’amusement défendu. Elle est curieuse de sa propre singularité, épatée par la différence.
Dans ce roman, Aliénor, une écrivaine à succès, se révèle être une déficiente intellectuelle prise en charge par Astrolabe, sa tutrice légale, une belle femme, qui lui consacre entièrement sa vie : elle la nourrit, la lave, transcrit ses écrits, discute avec l’éditeur, la protège de toutes les façons, du regard de la société et de l’exploitation du marché.
Les deux femmes sont visitées par un employé de l’EDF mandaté pour faire la tournée des appartements insalubres de Paris. Il n’y a pas de chauffage, le toit est béant, des conditions inhumaines que le type de l’EDF se propose d’améliorer un peu.
Cet employé, Zoïle, tombe amoureux de l’angélique tutrice et est obligé de supporter la présence de la « neuneu », omniprésente voyeuse.
Castré par la situation, il en veut au monde entier et décide de provoquer un écrasement d’avion pour libérer sa haine et se libérer par la même occasion. Lui-même écrivain, mais sans carrière, il met son dessein par écrit, manuscrit destiné à brûler tout comme lui dans l’avion.
On ne résume pas un roman, pas plus qu’une vie, non plus qu’on n’explique une peine profonde ou un acte qui mène à l’anéantissement.