Le tour de force de ce premier roman de Poppy Adams ‘ dont le titre original, The Behaviour of Moths, se traduirait ainsi : « Le comportement des lépidoptères » ‘ consiste à réunir, sans lourdeur aucune, récit de vulgarisation scientifique, roman familial et thriller hitchcockien. Les retrouvailles de la narratrice, Virginia Stone, et de sa sœur cadette Vivien après 47 ans de séparation ravivent en elle une marée de souvenirs. Certains sont gais : Virginia se remémore, par exemple, comment son père, Clive, lui a transmis sa passion des papillons de nuit et avec quelle euphorie ils s’adonnaient tous deux à leurs recherches. D’autres réminiscences sont plus sombres : ainsi l’horrible accident du beffroi, qui rendit Vivien stérile, ou la chute mortelle que fit leur mère Maud dans les escaliers de leur vieux manoir victorien. En quelques jours de huis clos à Bulburrow Court dans le Dorset, les retrouvailles des deux sœurs font refluer à la surface de troublants secrets de famille.
Avant d’être romancière, Adams a réalisé des documentaires pour la BBC et The Discovery Channel. Sa formation en sciences naturelles l’a très certainement aidée à élaborer les idées et expériences savantes qu’elle attribue à ses deux entomologistes amateurs. Mais les mSurs des lépidoptères lui permettent aussi d’installer une allégorie d’arrière-plan sur la tendance des êtres à s’entre-dévorer. L’évocation des chenilles cannibales est, à cet égard, très éloquente. Pourtant, ce qui fait du Temps des métamorphoses un splendide roman, c’est la maîtrise des ressorts narratifs. Entremêlant très efficacement passé et présent, Adams démontre un sens aigu de la gradation. Elle sait, en effet, à quel rythme enchaîner les révélations sur la narratrice. Celle-ci, surnommée « la mère Phalène », entraîne le lecteur dans les recoins d’un esprit de moins en moins stable. Éblouissement garanti.