Après La neige (1996) et avant Le fleuve , qui est à paraître « sous peu » (quatrième de couverture), Le soleil est le volet médian de la trilogie romanesque de Pierre Gélinas intitulée Saisons . Il raconte les aventures et les mésaventures de « l’Alliance nationale populaire », un mouvement dirigé par Allen Sauriol et une équipe d’amis attirés par l’ordre et la justice. Après un putsch raté, et une année de prison, les dirigeants parviennent, lors d’élections en pleine canicule, à devenir une minorité politique avec laquelle doit composer le gouvernement.
Le soleil apparaît à plus d’un endroit comme le prétexte à des propos moralisants sur le pseudo-pouvoir de l’information, les « pitreries » des médias, l’administration bancale de la justice, les collusions partisanes, le racisme, le « cirque » des élections, le « labyrinthe de la bureaucratie »… On y discute aussi de l’improbabilité de la résurrection du Christ et du sort qui attend le plantain, l’amarante vulgaire et la célosie. Un Italien cite Pétrarque dans le texte. Mais Sauriol, qui lit Thucydide, Tacite, Xénophon, Tite-Live, Marc Aurèle, Sénèque et tutti quanti, reste maître de lui-même et de la situation… Le récit, lui, a tendance à mourir étouffé sous le « message » pessimiste et la réflexion morose du narrateur.
Insuffisamment autonome, parce que fréquemment rivée à des considérations axiologiques, l’intrigue fait également appel à des événements contemporains que l’on reconnaît sans peine (la bavure d’un policier abattant un jeune Noir — l’action se passe de toute évidence à Montréal — et l’évanouissement d’une animatrice de télé au cours d’un débat des chefs, par exemple). Mais en même temps le récit laisse dans un clair-obscur un peu gênant des éléments diégétiques récurrents (par exemple l’action suspecte du protagoniste Rolland Rivard et la « lettre d’Allemagne » non décachetée par son destinataire qui se suicide).
Ce roman incertain n’est certes pas dénué d’intérêt littéraire, notamment par ses nombreuses descriptions où affleurent la richesse lexicale poétique d’un écrivain expérimenté. Mais le moraliste y prend un peu trop le pas sur le romancier.