Le silence ponctue nos vies comme le point, la virgule scandent le texte, comme la pause, le soupir marquent la partition. Temps d’arrêt, le silence s’entend, se pèse, s’évalue. Bref, le silence signifie : de l’attention flottante de l’analyste naît l’interprétation, du silence de la toile surgit l’émotion, du silence du mystique jaillit l’extase, l’illumination.
Qu’ils évoquent la théorie de Freud ou le parcours mystique de saint Jean de la Croix, l’art vocal de la Callas ou l’art pictural de Zurbarán, Marguerite Duras ou Rainer Maria Rilke, la goutte d’eau qui trouble la nuit ou la pétaradante moto qui rompt la quiétude du sommeil, les auteurs du collectif Le silence tiennent parole : ils nous démontrent que le silence est multiple et ambivalent.
« Je dis le mot ‘ silence ’ et c’est comme si, rebelle à un seul sens, à une unique vérité, à peine émis, ce mot se fracturait, ouvrant à une infinité de voix. » En effet, le silence est multiple : il peut être gardé, imposé, acheté. On peut aussi se taire par peur, par respect, par pudeur. Le silence peut signifier l’investigation, la retenue, le repos. Mais il y a également mutisme, bâillon et omerta.
Ce numéro de la revue Autrement , collection « Mutations », consacré au silence nous conduit aux confins des mots et des bruits de toutes sortes pour nous faire réaliser que le silence peut être tantôt apaisant, tantôt inspirant. Mais le silence peut aussi être terrifiant lorsqu’on y est contraint. Le silence, celui qui ressource et qui permet de faire le plein, est une denrée précieuse dans ce monde où les décibels lui font la vie dure : « […] il n’est pas rare de voir les individus se protéger d’un bruit en en suscitant un autre ».
Rompre le silence, c’est un peu fuir la solitude ; qu’on se mette à l’écoute du petit écran, de Verdi, de rock ou de rap, on est déjà moins seul quand on ne s’entend pas penser !