De Christian Hubin, les éditions José Corti nous avaient donné à lire, depuis 1986, une dizaine d’œuvres ‘ poésie réflexive et essais poétiques, l’hybridation participant, chez ce poète wallon, d’une contamination vitale. La livraison récente contenait deux textes plutôt qu’un : «Venant », subite incursion dans la prose narrative, allait entrouvrir les valves d’une somme de réflexions à la fois déroutantes et centripètes à travers lesquelles Christian Hubin ausculte la parole avec une acuité presque perverse. « Le sens des perdants » alimente le dessein esquissé dans La forêt en fragments (1987) et Parlant seul (1997) : une quête du sens poétique qui prend souvent les airs d’une archéologie littéraire dont l’auteur s’amuse à bouleverser ‘ en les reformulant ‘ les paramètres auxquels tente de nous habituer la critique contemporaine.
« Pour quoi dire? Il n’y a peut-être rien à dire. Et de ce rien montent les seuls mots qui vaillent. » C’est ceux-là, ceux qu’il puise méticuleusement dans les œuvres d’Arthur Rimbaud, Maria Rainer Rilke, Ezra Pound, Giorgio Manganelli, T. S. Eliot, Claude Louis-Combet, Emily Dickinson, qui lui inspireront des impressions fragmentaires, mélanges d’intuitions et d’intériorisation qu’engendre l’acte de lecture dans sa dimension la plus abyssale. Car pour celui qui s’intéresse d’abord à la part crépusculaire de l’œuvre (« pressentant, portant sa fin en offrande »), il s’agit aussi de puiser l’essence du texte dans ses silences, ses blancs trajets et ses interstices, enfin tous ces espaces qu’il revient au lecteur de concevoir à l’intérieur du livre car autrement, « une part de lui ne nous ouvre pas ».