« Que tout le monde et son beau-frère se réclament de la classe moyenne témoigne du caractère excessivement souple de la notion, mais aussi de sa force identitaire. »
Souple : outre qu’il soit un lieu commun d’affirmer que la majorité de nos concitoyens font partie de la classe moyenne (sinon, pourquoi les politiciens seraient-ils constamment en train de les courtiser, et les animateurs de radio populistes de prétendre les défendre ?), Samuel Archibald démontre ici que même avec une définition économiste – donc qui se veut précise –, on peut faire entrer dans cette catégorie une tranche extrêmement large de la population, soit celle qui gagne « de 19 900 $ à 112 050 $ par année ». Bref, tout le monde et son beau-frère, effectivement. « […] en tant que catégorie empirique, conclut-il, la classe moyenne n’existe pas. Elle n’existe qu’en tant que catégorie imaginaire, culturelle et – de plus en plus – politique. »
C’est ainsi qu’en voulant faire un portrait de la classe moyenne, c’est peut-être finalement plutôt le portrait d’une génération (ou deux) que fait Samuel Archibald : celle des « filles et fils de bucherons [Atelier 10 utilise la nouvelle orthographe], de draveurs et de fermiers », et qui est déjà en voie de disparition, laminée par sa propre pulsion de consommation et d’endettement.
Quelles sont les valeurs des membres de la classe moyenne ? Ils sont « ménageux » (les anecdotes à ce sujet sont typiques et savoureuses), « consommateurs » (c’est ce qui les perdra) et « écœurés » (dixit Radio X). Chacune de ces caractéristiques aura son chapitre dans l’ouvrage.
La formule retenue par l’auteur s’inscrit bien dans la continuité du numéro « 02 » de la même collection (Année rouge, de Nicolas Langelier), avec une alternance de textes argumentés et de réflexions et anecdotes personnelles, dans une langue qui, par ailleurs, flirte avec le registre parlé pour donner un résultat à la fois soigné, populaire et moderne.