Partie de Gênes en novembre 2018 avec son copain Luca pour aller prêter main-forte au projet de permaculture de leur ami togolais, la grande voyageuse pense « trouver l’authenticité de la vie » en Afrique. Les deux amis ont l’habitude des voyages hors des sentiers battus et se sont bien préparés.
Ils feront le parcours Italie-Togo en voiture. Tout se passe sans trop d’embûches jusqu’à ce que, le 17 décembre 2018, six hommes enrubannés et armés de kalachnikovs les interceptent dans le sud-est du Burkina Faso, peu avant la frontière du Bénin.
La Sherbrookoise raconte dans ce récit les quinze mois de sa détention aux mains de groupes djihadistes, Peuls, Arabes et Touaregs, tous assujettis au chef des Peuls, Amadou Koufa, et au grand chef Iyad Ag Ghali du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSMI), apprendra-t-elle plus tard. Un récit captivant, angoissant et des plus émouvants dans lequel elle a inséré des poèmes écrits en captivité. Elle y raconte comment son compagnon italien et elle ont été victimes d’une embuscade. Puis un effrayant constat leur glace le sang, ils sont otages. Leur libération tient à une éventuelle rançon de la part de leur pays respectif. C’est ce qu’ils supposent, car c’est le silence radio de la part des terroristes, qui ne répondent pas à leurs questions, même quand s’en présente un qui parle français. On a fait disparaître leur voiture et on leur remet de larges vêtements et turbans couleur sable, pour bien les camoufler, la règle numéro un des ravisseurs étant de ne pas se faire repérer, de ne jamais laisser de traces. Quand des drones circulent dans le ciel, les geôliers armés, les nerfs à vif, redoublent de vigilance pour que les otages restent invisibles.
Édith Blais se souvient des conditions de détention dans les quatre campements où elle a vécu sous la surveillance de nombreux moudjahidin mobilisés à cette seule fin. Les déplacements en camionnette ou en moto dans le désert, hors des routes tracées, les caches sous les acacias, la nourriture et les tactiques du couple – Luca leur a fait croire qu’ils étaient mariés afin qu’on ne les sépare pas – pour améliorer son sort font l’objet d’une narration vivante de la part d’un être qui n’a jamais perdu espoir. Pourtant la jeune femme ne l’a pas eu facile. Elle voit tant bien que mal, privée de ses verres de contact. Bien plus, on la sépare de Luca le 4 mars 2019. Elle est ensuite séquestrée pendant cinq mois dans un autre campement avec trois autres femmes, otages depuis deux à trois ans, puis amenée à des Touaregs, seule, sous la garde de deux équipes qui se succèdent jour et nuit. Six mois d’une extrême solitude. Ses ravisseurs lui ayant fait savoir que Luca, gardé en captivité ailleurs, s’est converti à l’islam, elle accepte elle aussi, tant comme façon d’occuper son esprit que par stratégie. Leur conversion leur vaudra d’être réunis à nouveau dans un même campement. De là, ils ourdiront un projet d’évasion des plus risqués. La peur au ventre, ils sont prêts à jouer le tout pour le tout afin de retrouver le chemin de la liberté, le 13 mars 2020.
On quitte ce récit ému et admiratif de la force, de la détermination à toute épreuve et de la résilience de cette femme, poète de surcroît. Une vieille âme, diraient certains, dont l’acuité intellectuelle n’a d’égale que l’intelligence du cœur.